Aveyron : pour le fromage Laguiole AOP, c'est l’heure de la consécration

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  • La crème des fromages rassemblée hier à Laguiole.
    La crème des fromages rassemblée hier à Laguiole. JAT
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Olivier Courtil

Le conseil national des appellations d’origine laitières a tenu vendredi son assemblée générale à Laguiole.

C’était jour de fête vendredi 29 septembre 2023 pour le fromage Laguiole AOP (appellation d’origine protégée). Pas moins de 300 personnes venues des 51 AOP de France étaient présentes pour cette première à Laguiole. Un record de participation pour le conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol) qui en dit long sur l’attrait de Laguiole, et plus largement de l’Aubrac. " J’ai participé à 17 ou 18 rassemblements du Cnaol, il n’y a jamais eu autant de monde ", confiait en ce sens André Valadier, fondateur de la coopérative Jeune Montagne et initiateur de l’AOP.

Un hommage lui a évidemment été rendu la veille, au cours d’une soirée festive qui a vu la fabrication hors norme des 51 appellations servies sur un plateau. Et quoi de mieux que le plateau de l’Aubrac pour concrétiser ce lien entre la gastronomie et le patrimoine. Une réputation qui dépasse depuis des années le berceau du fromage Laguiole AOP. Sur le plan économique, confirmation a été faite que les produits labellisés sont aussi un refuge à la crise. Si la consommation a baissé de 2 à 4 % pour les AOP de France, leurs chiffres d’affaires ne bougent pas.

Visites et repas

Tout n’est pas rose évidemment et l’assemblée générale a évoqué les enjeux économiques, environnementaux et sociétaux en se projetant sur la notion de durabilité. Pour cela, il faut déjà des Hommes. Un éleveur des Pyrénées n’a pas manqué de remettre sur le tapis (le plateau aussi) la problématique des prédateurs qui nuisent aujourd’hui à l’installation et à la vie des éleveurs, en émettant une suggestion : intégrer la protection des zones de montagne dans le cahier des charges des AOP. La balle est dans le camp des élus.

Mais l’heure était surtout à la fête. Des visites de ferme ont permis de se rendre compte du travail avec des aménagements réalisés par certains pour répondre à la pénurie de fourrage, de comparer les pratiques et de partager la passion commune entre les éleveurs. Nombre d’entre eux, venus de Bretagne, Normandie ou Alsace, faisaient ainsi la queue derrière le camion Jeune Montagne pour récupérer leurs commandes.

Rendez-vous est donné en 2025 pour le conseil national des appellations d’origine laitières qui reviendra en Aveyron, cette fois à Roquefort, pour célébrer le centenaire de l’appellation du fromage à pâte persillée. Ce sera une autre (belle) histoire à raconter !

4 questions à Hubert Dubien, président du Cnaol

Présentez-vous ?

Je suis éleveur laitier dans les monts du Forez dans la Loire. Le lait de mes 25 vaches est transformé en fourme de Montbrison AOP, une appellation dont je suis président depuis 2017. Et je suis président du Cnaol depuis février.

Quels sont les objectifs du conseil national des appellations d’origine laitières ?

C’est une structure qui fédère l’ensemble des organismes de défense et de gestion des 51 AOP de fromages, beurres et crèmes en France. Nous sommes engagés dans une démarche de progrès et d’identification. La structure apporte aussi un accompagnement technique pour les Indications géographiques protégées (IGP). Certaines d’entre elles visent à obtenir l’AOP qui requiert quinze ans de travail. La structure se veut globalement un lieu d’échanges. Chaque appellation garde sa légitimité.

Quelles sont les problématiques des produits laitiers ?

Le problème du renouvellement des générations. Pour cette raison, nous sommes en lien avec les écoles laitières. Il s’agit aussi de valoriser ces métiers pour donner envie. On essaie de positiver en expliquant que les fermes AOP sont dans un système extensif avec des animaux qui pâturent. Les élus locaux sont très attentifs en territoire de montagne, sans notre activité, il n’y a plus d’économie et nous entretenons le paysage. Notre rôle est protecteur, il faut transmettre ce patrimoine.

Pendant ce conseil, vous avez été en visio avec Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture. Qu’en est-il ressorti ?

Nous avons porté l’ambition de tenir un cahier des charges qui reste sous la tutelle de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) et de direction générale de l’agriculture et non d’être sous l’Europe dans le cadre de la réforme des indications géographiques. Nous ne sommes pas des marques. Nous avons aussi abordé la problématique des énergies renouvelables qui viennent en contradiction en alimentant les méthaniseurs et photovoltaïques avant le fourrage des animaux. Il faut reprendre de la cohérence car on se heurte à la concurrence des énergies renouvelables en termes de rentabilité. Pour cela, nous demandons une législation spécifique. Sur le plan sanitaire, nous demandons à raccourcir les délais d’attente car on met en difficulté les productions laitières et les unités de transformation. Il faut éradiquer les cas positifs de tuberculose et brucellose. C’est un chantier énorme, il y va de la survie de certaines AOP. Enfin, nous avons demandé à être exonérés des étiquetages Nutriscore, Eco-Score, rémunerascore, tout un tas de score alors que derrière le logo AOP, on couvre tous les domaines.

Jeune Montagne double sa surface à Laguiole

La réalisation de l’extension dans la zone d’activités Poujade II méritait bien une célébration en grande pompe après le conseil national. Ainsi, hier après-midi, Géraud Valadier, président de la coopérative Jeune Montagne, a retracé sa fabuleuse histoire, de 1960 à nos jours. De 500 litres de lait recueillis par M. Bienvenu à 25 millions de litres en 2025, "en passe d’être atteint", a précisé le jeune président sous les yeux de son père fondateur, André Valadier. Une évolution possible avec notamment le coup de main de Michel Bras, aussi présent, pour concevoir l’aligot surgelé. Le site de la Poujade 2 est un investissement de 12 M€ qui double la surface de départ "pour répondre aux enjeux économiques, environnementaux et sociétaux". Acteur majeur du territoire, premier employeur à Laguiole avec 170 salariés (en comptant le site de Thérondels), tous les élus et corps d’État ont salué cette réussite. Et des postes sont à pourvoir pour poursuivre cette belle aventure.

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