Dans les coopératives funéraires, une approche "désintéressée" du marché de la mort

  • La coopérative funéraire de Nantes, la première ouverte en France, met un point d'honneur à offrir aux familles un décor chaleureux avec plantes vertes et canapés profonds, à leur prêter une oreille attentive et à leur dispenser des conseils "impartiaux".
    La coopérative funéraire de Nantes, la première ouverte en France, met un point d'honneur à offrir aux familles un décor chaleureux avec plantes vertes et canapés profonds, à leur prêter une oreille attentive et à leur dispenser des conseils "impartiaux". urbazon / Getty Images
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ETX Daily Up

(AFP) - A la mort de son mari, Isabelle Martins voulait être écoutée. Ne surtout pas se précipiter. Les services de la coopérative funéraire nantaise, qu'elle a contactée pour organiser les obsèques, correspondaient, dit-elle, à ses "valeurs humaines".

"On y est allé le jour même, avec mes filles, et on a passé des heures à discuter avec notre conseiller, sur les canapés. C'était un beau moment, autant qu'il pouvait l'être", raconte cette psychologue de 57 ans, veuve depuis deux ans.

La coopérative funéraire de Nantes, la première ouverte en France, met un point d'honneur à offrir aux familles un décor chaleureux avec plantes vertes et canapés profonds, à leur prêter une oreille attentive et à leur dispenser des conseils "impartiaux".

L'entreprise à but non lucratif défend une "gestion désintéressée" et "humaniste" de la mort, au sein d'un marché du funéraire qui représente en France 2,7 milliards d'euros annuels.

"On doit faire un bénéfice pour rester viable, payer les cinq salariés. Mais il n'y pas d'actionnaires pour nous dire de faire du chiffre. Nos conseillers n'ont aucun intérêt à vendre tel cercueil ou tel capiton", explique Sophie Dronet, co-fondatrice en 2016 de la coopérative funéraire nantaise.

Tout droit venu du Québec, le modèle fait aujourd'hui son chemin en France, à Rennes, Lille, Dijon ou Angers. En tout, une vingtaine d'établissements sont ouverts ou en projet.

Le modèle reste toutefois confidentiel dans le secteur: la coopérative nantaise accompagne en moyenne 140 familles chaque année.

- Concurrence -

"Quand j'étais conseillère dans une entreprise classique, on consacrait maximum six heures à chaque famille. Ici c'est en moyenne entre neuf et douze heures. Après la mort d'un proche, il faut être bien conseillé pour faire des choix éclairés, puisque l'on a pas la tête à faire une étude de marché", explique Sophie Dronet.

D'une entreprise funéraire à l'autre, le prix des urnes, cercueils et capitons peut varier "du simple au triple", affirme-t-elle. Sur ce marché particulier, "les familles endeuillées peuvent accorder une valeur symbolique à l'argent dépensé".

En France, 4.000 entreprises se partagent le marché du funéraire. Sociétés familiales, grandes firmes, enseignes "low cost" et établissements haut de gamme s'y sont progressivement implantés depuis la fin du monopole des Pompes funèbres générales, votée en 1993.

"Le monopole était devenu un modèle archaïque. L'ouverture à la concurrence a changé le paysage et a fait gagner le secteur en qualité de services et en transparence sur les prix", affirme à l'AFP Jean-Pierre Sueur, ancien secrétaire d'Etat qui a donné son nom à la loi.

La Cour des comptes avait cependant estimé dans un rapport publié en 2019 que l'évolution tarifaire depuis la fin du monopole avait été "globalement défavorable aux familles".

L'organisation d'obsèques coûte aujourd'hui en moyenne entre 3.000 et 5.000 euros, d'après la fédération nationale du funéraire. Les "prix justes" que revendiquent les coopératives se situent dans cette fourchette.

- Croyances -

"Les prix n'ont jamais été aussi hauts. Bien sûr il y a le +low cost+, mais qui souhaite offrir cela à un proche? Est-ce que quelque chose n'a pas loupé dans le processus pour que l'on emploie le même vocabulaire pour un trajet en avion et pour une crémation?", interroge Jean-Loup de Saint-Phalle, co-fondateur du Collectif pour une sécurité sociale de la mort.

L'organisation milite pour la création d'une caisse financée par des cotisations prélevées sur les salaires, comme l'assurance maladie ou chômage, et qui conventionnerait des organisations à but non lucratif, sur le modèle des coopératives.

"Il est important de pouvoir choisir l'entreprise. Mais sur la base de croyances ou de traditions, pas sur des critères économiques", poursuit Jean-Loup de Saint-Phalle.

Face au deuil, Isabelle Martins cherchait avant tout des conseillers prêts à l'aider sur les "petits gestes symboliques".

"La cérémonie avait lieu de l'autre côté de la Loire et il fallait pour s'y rendre prendre un pont, trajet le plus simple, ou un bac. Je voulais absolument prendre le bac et ils ont tout fait pour ça", se rappelle-t-elle, souriante. A l'arrivée du bac, le cortège funéraire a traversé le lieu-dit du Paradis.

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