Le Noël des chefs Aveyronnais : le terroir comme terrain de jeu pour le chef étoilé Guillaume Viala et son épouse, Christine, sommelière

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  • Guillaume et Christine avec une truffe dont le cycle symbolise la vie et en donne son goût !
    Guillaume et Christine avec une truffe dont le cycle symbolise la vie et en donne son goût ! Centre Presse Aveyron - José A. Torres
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Chef étoilé à Bozouls, Guillaume Viala sublime le labeur des paysans pour faire corps avec la nature et donner une âme à ses plats.

Il a finalement troqué le bonnet rouge de Cousteau pour le béret noir et le tablier de cuisinier. L’amour pour sa terre a été plus fort que l’envie d’ailleurs. Guillaume Viala propose un voyage au cœur des sens et des éléments à travers ses plats, authentiques, pour sublimer sa carte et son territoire. Issu d’une famille paysanne comme son épouse Christine à quelques kilomètres de lui à vol d’oiseau (Golinhac), chacun joue sa partition.

À lui les pianos, à elle les ver(re)s. Le couple poétise la cuisine de leur cru, de façon engagée, paysan militant, donc forcément, une cuisine de saisonnalité. "Il y a la gourmandise décomplexée chez Christine", confie Guillaume qui remonte toujours à la source. Il dévore les livres pour connaître chaque organe d’une espèce et comprendre leur fonction.

"Faire simple mais vrai"

Son restaurant avec vue sur le trou n’est pas le fruit du hasard. C’est pour mieux contempler le cycle de la nature. "Faire simple mais vrai, toujours maison. L’architecture est liée à la paysannerie", ajoute Guillaume qui n’a finalement pas changé de cap : "sauver les plantes et les animaux" comme il voulait le faire avec Cousteau.

Du cochon préparé à la ferme à la lamproie issue d’une pêche durable en passant par le foie gras de la ferme des Beaux Renards, là encore, rien n’est laissé au hasard. La création vient de cet amour du produit. Tout grand écart en cuisine est alors naturel. Le mélange des saveurs, l’esthétique d’un plat comme un tableau, un autre qui respire l’humus. On peut y tendre l’oreille, le sentir, le mettre en bouche pour finir.

Et tous deux, conscients que cette belle étoile assure les trompettes de la renommée (c’est toujours mieux que la mort), peuvent s’offrir des voyages, sans Cousteau mais avec un couteau, et un tire-bouchon en poche, pour découvrir d’autres terroirs d’où germeront d’autres histoires, d’autres cépages comme on pose le pied sur d’autres rivages, avec toujours, au bout, Bozouls, son trou, son causse pour horizon.

S’inspirer d’ailleurs, comme ces jours-ci le Pays basque, s’en imprégner, pour retrouver le goût de soi et restituer l’authentique comme la madeleine de Proust. Puisque "si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change", comme a écrit Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Guillaume et Christine ont une curiosité boulimique, inscrite dans leurs gènes. Cette fameuse "gourmandise décomplexée" heureusement contagieuse quand on franchit la porte du Bélvédère. Vous reprendrez bien alors un bouillon de cultures et un Gourg d’enfer noir comme la terre, non ?

Son souvenir de Noël : les agapes avec Christine, cru 2005

2005, un an avant, ou un an après, pour le couple qui fêtera les vingt ans du Belvédère le 5 janvier et les vingt ans de vie commune le 8 février, le cru 2005 est cette photo de connivence, autour d’une table pour un repas de famille, évidemment. Gillorgues, commune de Bozouls, pour Guillaume, Golinhac pour Christine, où que le couple aille, où qu’il soit, c’est la campagne qui les a unis et les rassemble toujours aujourd’hui.

Souvenirs, souvenirs de Noël... Repas en famille et en amoureux, cru 2005.
Souvenirs, souvenirs de Noël... Repas en famille et en amoureux, cru 2005. Collection privée - Guillaume et Christine Viala

La paysannerie chère à Guillaume qui cherche sans cesse le geste ancestral, connaître ce qui donne naissance au produit et faire renaître le goût. Aller au cœur des choses, de la nature. À ce Noël, comme les autres, huîtres et foie gras maison sont incontournables. "C’est la famille, le seul moment de l’année où on est là en fermant le 24 au soir", résume Christine.

"Noël c’est le solstice, les jours qui rallongent, on retrouve le village, le retour du soleil". Une dinde grise de Boubal est sur la table, les huîtres de Pascal (Tafforet) et bien d’autres mets. Côté élixirs, du champagne, un vieux bordeaux, un délice d’Italie. Et c’est le paradis. La tradition. "Noël est un port d’attache, l’attention d’un cadeau", conclut le couple.

Sa recette : anguille pochée et son foie gras

L'intitulé de la recette est : "L’anguille de nos côtes occitanes pochée et le foie gras de barbarie du Monastère saisi, un jus de gibier corsé ; betterave en aigre-doux et croûtons d’épeautre pimentés.

L'anguille de nos côtes occitanes pochée et le foie gras de barbarie du Monastère saisi, un jus de gibier corsé, betterave en aigre-doux et croûtons d'épeautre pimentés.
L'anguille de nos côtes occitanes pochée et le foie gras de barbarie du Monastère saisi, un jus de gibier corsé, betterave en aigre-doux et croûtons d'épeautre pimentés. Reproduction - Centre Presse Aveyron

En voici la réalisation :

  • Lever une anguille moyenne bien fraîche, obligatoirement de petite pêche artisanale (Grau-du-Roi ou Gruissan) ; il faut un coup de main pour la fileter, ne pas hésiter à se faire aider par son poissonnier.
     
  • Déveiner un foie gras de canard de Barbarie de votre producteur préféré (ici la ferme des Beaux Renards, chez Caroline et Fabien Raynal au Monastère), le maturer avec 14 g de sel naturel au kg à 1 °C pendant une semaine minimum. Le foie de Barbarie se poêle moins bien que celui de mulard, mais il a plus d’arômes.
     
  • Avec cette technique, on n’aura plus qu’à le saisir sur une face sans le cuire, la maturation développe le goût du foie gras.
     
  • Faire lentement un bon court-bouillon (eau, vin blanc, bon vinaigre de cidre ou de vin blanc) bien acidulé avec les aromates de votre choix (thym, genièvre, séchuan…) et y pocher les tronçons d’anguille doucement, en les gardant moelleux.
     
  • Saisir violemment les tranches de foie sur une face.
     
  • Assembler le foie et l’anguille, flasher rapidement au grill pour bien chauffer le tout.
     
  • Il faut un jus de gibier bien corsé au vin rouge (ici de cerf d’approche), de chevreuil, cerf ou biche (pas de gibier trop puissant type lièvre), une purée de betterave au vinaigre de Banyuls et épices « bois », et des pickles de betterave en aigre-doux ; une feuille de moutarde rouge et du poivre rouge au moulin grossier niaqueront le tout.
     
  • Enfin, réaliser de petits croûtons de pain d’épeautre, les frire au gras de canard et les pimenter au piment d’Espelette.

Côté cave, Christine propose pour accompagner : le Beaujolais "Le Buissy" 2017 de Jean-Paul Brun. La gourmandise du Gamay relève délicatement la betterave tandis que sa finesse respecte l’élégance de l’anguille. En guise de conclusion par la Maître en élixir : "Bonne dégustation, et surtout, faites-vous plaisir !"

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