Line Renaud : "J’ai vécu libre et digne, je veux mourir de la même façon", son combat pour l'euthanasie et la loi sur la fin de vie

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  • J’aime l’idée que le jour venu, tout soit fait comme je l’ai voulu et pensé. Ce sera mon dernier show ! Et sans rappel cette fois…
    J’aime l’idée que le jour venu, tout soit fait comme je l’ai voulu et pensé. Ce sera mon dernier show ! Et sans rappel cette fois… MAXPPP - Ludovic Marin
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Recueilli par Manuel Cudel

La comédienne Line Renaud, âgée de 95 ans, évoque son combat pour l’euthanasie et appelle à présenter et voter la loi sur la fin de vie.

Line Renaud, votre livre "Merci la vie !" (Robert Laffont) résonne comme une dernière lettre, libre et joyeuse, comme vous l’êtes. Vous vous sentez à ce moment de l’existence, celui où, dites-vous, on doit se sentir prêt à partir ?

Bien sûr ! À bientôt 96 ans, le 2 juillet prochain, il est judicieux de préparer sa sortie. Et c’est sans peur ni tristesse ! C’est la grande justice de la vie, nous naissons, vivons et mourons. J’ai quant à moi eu la chance que le chemin soit très long, tout ce que je vis aujourd’hui, c’est du bonus et donc du bonheur. D’où l’envie de crier un grand “Merci la vie !” Ce livre, c’est ma dernière lettre au public, il a été la famille que je n’ai pas eue, nous nous sommes tant aimés pendant 80 ans, j’avais encore deux ou trois choses à lui dire…

Quel regard jetez-vous sur ces 80 ans de carrière, cette vie hors norme ? Quelles leçons en tirez-vous ?

Je ne passe pas mon temps à analyser mon parcours, disons que j’ai été très gâtée par la vie et qu’en retour, j’ai beaucoup travaillé pour honorer la chance qui m’avait été donnée. Rien ne se fait sans l’effort et l’amour du travail bien fait. Voilà ce que j’ai envie de transmettre aux jeunes. Je retiens de la vie qu’il faut sans cesse apprendre et aller à la rencontre de l’autre, rester humble et garder la tête froide, et au passage, ne jamais oublier d’où l’on vient. On puise ses forces dans ses racines !

Parmi vos combats, notamment la lutte contre le sida bien sûr, l’un d’eux résonne particulièrement dans l’actualité, celui pour la légalisation de l’euthanasie en tant que marraine de l’ADMD. La ministre de la Santé a promis, le 14 février, une loi sur l’aide active à mourir "probablement à l’été". Cette annonce est-elle satisfaisante ?

Disons que je suis impatiente que la loi soit présentée et votée. C’est un progrès nécessaire, au même titre que l’avortement l’a été dans les années 70. La liberté et la dignité sont des valeurs essentielles à mes yeux. J’ai vécu libre et digne, je veux mourir de la même façon, et je sais qu’il en va de même pour la très grande majorité des Français.

Vous avez joué un rôle important dans la prise en compte de cette problématique, en prenant la parole à l’Assemblée, en soutenant la proposition de loi Falorni, mais aussi en évoquant le sujet avec le chef de l’État. Comment avez-vous sensibilisé Emmanuel Macron ?

Je n’ai pas eu à le sensibiliser…  Il sait très bien ce qu’il a à faire. Mais son oreille est attentive. Je suis une femme de 95 ans qui affronte la vieillesse et songe à la mort, ma parole n’est pas théorique, elle est intime, ressentie ; je peux donc dire des choses qu’une personne de 40 ou 50 ans ignore encore.

Votre proximité avec de nombreux chefs d’État vous a-t-elle parfois aidée ainsi à passer d’autres messages ?

Jacques Chirac était comme mon frère, nous riions beaucoup ensemble mais ne parlions presque jamais de politique. Toutefois, il est certain qu’il a su me soutenir dans la lutte contre le sida, il a toujours répondu présent. François Hollande est également un ami. Je n’ai pas eu de messages à transmettre aux présidents de la République, ils n’avaient pas besoin de moi !

La fiction est aussi un puissant allié pour sensibiliser, votre dernier film (Le Prochain voyage) s’emparait aussi de la question de la fin de vie…

Oui, je crois au pouvoir de la fiction, une belle histoire avec des personnes attachantes vaut mieux que tous les discours.

Craignez-vous des débats houleux au Parlement sur la fin de vie comme cela a été le cas sur certaines questions sociétales ?

J’espère que ce ne sera pas le cas. Il ne faudrait pas que la France se déchire comme elle l’a fait à l’époque du mariage pour tous. On avait alors entendu des choses horribles.

Cette loi sur l’aide active à mourir doit mettre fin aussi à une" hypocrisie", expliquez-vous. L’euthanasie est déjà pratiquée sous certaines formes en France ?

Évidemment… Tout le monde le sait ! Certains médecins consentent à augmenter les doses de morphine et d’opiacés pour que le patient s’enfonce dans un sommeil plus ou moins profond… Ceci est possible grâce à la loi Léonetti, mais ça ne suffit plus !

Vous vous dites prête vous-même s’il le faut à contourner la loi pour mourir chez vous "en résistante". Avez-vous pris des dispositions en ce sens auprès de vos proches, comme vous le laissez entendre ?

Oui, je me suis organisée.

Vous avez même organisé vos funérailles. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Parce qu’il est important de préparer sa sortie. J’ai vécu sous les lumières, je ne vais quand même pas partir dans l’ombre. J’aime l’idée que le jour venu, tout soit fait comme je l’ai voulu et pensé. Ce sera mon dernier show ! Et sans rappel cette fois… Mais rien ne presse, j’ai plein de choses à faire avant le grand saut.

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