Thierry Lepaon à Rodez : «Les salariés, lorsqu’ils luttent, gagnent»

  • Thierry Lepaon (en compagnie du secrétaire département David Gistau) : "Nous avons besoin d’une reconquête industrielle dans ce pays".
    Thierry Lepaon (en compagnie du secrétaire département David Gistau) : "Nous avons besoin d’une reconquête industrielle dans ce pays". CP
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Didier Labertrandie

Syndicalisme. En visite à Rodez et Onet aujourd’hui, le secrétaire général de la CGT revient, pour Centre Presse, sur les dossiers chauds de ces dernières temps, dont le conflit à la SNCF.

Intermittents, conflits à la SNCF, à La Poste... En visite à Rodez et Onet aujourd’hui, le secrétaire général de la CGT revient, pour Centre Presse, sur les dossiers chauds de ces dernières temps.

Qu'est-ce qui motive votre venue en Aveyron  à l'occasion de la journée d'action interprofessionnelle du 26 juin ?

C’est d’abord le respect d’un engagement. Je devais venir au mois de juillet l’année dernière. Un problème de santé m’en avait empêché. J’avais dit que je viendrais dès que mon emploi du temps me le permettrait. A la CGT, nous tenons parole. C’est ensuite le plaisir de rencontrer le syndicat, les syndiqués de Bosch. Je salue ici leur lutte pour le progrès, l’emploi et le développement industriel dans le département. C’est enfin le bonheur de venir pour dialoguer, échanger, partager avec les syndiqués CGT du département, celles et ceux qui luttent et se battent. C’est cela aussi notre organisation syndicale confédérée.

La CGT a choisi comme slogan pour cette journée d'action "s'unir pour agir, lutter pour gagner". Or les deux mobilisations sociales majeures de cette période, celle des cheminots et celle des intermittents, dans lesquels la CGT prend une part très active, semblent impuissantes face à l'intransigeance du gouvernement. Comment dès lors  redonner espoir à ceux qui mènent ces combats ?

Parlant de ces deux mobilisations majeures, vous dites « semblent impuissantes ». Ce n’est donc que l’apparence des choses et l’apparence est trompeuse. Le patronat, le gouvernement et une partie de la presse voudraient mettre dans la tête des salariés que l’action ne servirait à rien. Et bien, Non ! Les salariés lorsqu’ils luttent, gagnent. C’est même très frappant dans les semaines qui viennent de s’écouler. Je note que beaucoup de luttes, quelques fois très longues, sont actuellement gagnantes. Je pense à Ascométal, aux Fralib, aux Pilpa, à la navale marseillaise, aux Senerval mais aussi à la SAM, au Conseil général ou d’autres sur votre département ou ailleurs. Regardez d’ailleurs, puisque vous le citez, le conflit des intermittents du spectacle. Certes le conflit est très loin d’être terminé. Pourtant, sous la pression des salariés, le patronat a dû abandonner ses prétentions, le gouvernement et le premier Ministre ont été contraints de rouvrir le dossier. Qui peut penser qu’ils l’auraient fait sans l’action des salariés ?

La grève des cheminots a pu laisser transparaître une différence d'appréciation, sinon une fracture, entre la base et l'appareil confédéral de la CGT. Comment le secrétaire général que vous êtes parvient-il à faire la part des choses entre la détermination des équipes militantes locales de la CGT et de Sud Rail d'une part, et la logique de l'appareil confédéral, sans doute davantage encline au compromis avec le gouvernement ?

Qui a vécu un ou plusieurs conflits connaît les conditions de la lutte. Dans un conflit, l’engagement est total. La grève est une des dernières solutions pour les salariés lorsque leurs revendications ne sont absolument pas prises en compte. C’est toujours très dur à la fois pour les grévistes et pour leurs familles. La détermination et la volonté de gagner sont celles de toute la CGT. Cette prétendue division entre la base et un soi-disant appareil est une pure vue de l’esprit, un fantasme. Cela correspond aussi aux désirs du patronat et du gouvernement et à leur souhait de semer le trouble dans la tête des salariés. Dans un conflit cela ne se décide jamais d’en haut. Nous faisons confiance aux salariés. Eux seuls établissent le rapport des forces qui fait bouger les lignes. Chacun, à sa place et dans son rôle, agit pour faire aboutir les revendications : assemblées de salariés, syndicats, fédération, confédération.

Toujours à propos de cette grève des cheminots, et dans une moindre mesure celle des intermittents, des enquêtes d'opinion semblent pointer une désapprobation du grand public alors que ces mêmes types de mouvements sociaux étaient souvent largement soutenus par l'opinion publique voici une dizaine d'années encore. Comment expliquez-vous ce changement de perception, et comment pensez-vous pouvoir redonner sens et légitimité à ces actions revendicatives auprès du grand public ?

Attention d’abord aux comparaisons avec les mouvements antérieurs et aux effets déformants. Pris dans le mouvement général de la société française, par exemple en 1995, les cheminots ont quelques fois servi de locomotive. On a même pu parler de grève par procuration. A l’inverse, dans d’autre cas, souvenons-nous des campagnes, quelques fois haineuses, de l’instrumentalisation de certains usagers, des expressions toutes faites comme les « usagers pris en otage ». Dans un autre contexte, aggravé par la crise et l’offensive patronale et gouvernementale, nous retrouvons ces campagnes. Il en va de même pour les intermittents. Leur mouvement est pourtant mieux compris qu’en 2003. Dans le cas précis de la réforme ferroviaire, il s’agit d’une réforme pour adapter cadre juridique des entreprises. Elle apparaît complexe, technique au public qui en subira pourtant les conséquences. Elle est, en fait, structurante et contraignante pour l’avenir du système ferroviaire, les déplacements des usagers, le transport des marchandises en France, les tarifs. C’est cela qui était difficile à expliquer.

La CGT place également cette journée d'action interprofessionnelle sous le signe d'une offensive pour une relance industrielle. Or le gouvernement vient de s'impliquer très directement dans le dossier Alstom. Approuvez-vous la solution que le gouvernement se vante d'avoir trouvé dans ce dossier ? 

Je note d’abord que nous sommes loin de la situation initiale et du choix qui avait la préférence du gouvernement. La CGT a été force de proposition, elle a contribué à faire bouger les lignes. Elle s’était prononcée pour une prise de participation majoritaire de l’Etat dans le capital d’Alstom. L’Etat entre au capital mais l’accord trouvé n’est pour l’instant que capitalistique. Il s’agit toujours du démantèlement d’un fleuron industriel. Nous y sommes opposés. Il reste bien des inconnues, en particulier l’attitude de l’administration américaine pour imposer éventuellement ses règles d’embargo sur les exportations. Reste enfin les questions industrielles, d’investissement et de la maîtrise des activités stratégiques de transport et d’énergie. Nous avons besoin d’une reconquête industrielle dans ce pays. C’est la condition du redressement, du développement, de la création de richesse. La CGT, depuis de nombreuses années, est totalement engagée dans cette bataille. Je peux vous dire que cette bagarre va durer. 

Plus généralement la politique menée par le gouvernement semble en tous points en phase avec un président de la République qui s'est prononcé pour "un socialisme de l'offre". Une telle formule vous paraît-elle recevable de la part de celui qui lorsqu'il était candidat se disait "ennemi de la finance"? Un changement de cap politique, social et économique vous semble-il plus que jamais urgent et nécessaire ?

OUI ! Il faut changer de cap, il faut changer la donne. Vous avez raison, ce qui se cache derrière les mots, les expressions comme « socialisme de l’offre », c’est une politique faite de cadeaux au patronat et aux privilégiés sur le dos des salariés. En guise d’étrennes au patronat et aux plus riches, le Président de la République a annoncé, le 31 décembre son pacte avec Pierre Gattaz. 50 milliards d’économies sont faites au détriment des salariés et environ 40 milliards de généreux cadeaux sont faits au patronat. Ce qui est pris aux uns est distribué aux autres sans contrôle. Nous en voyons les effets sur les conditions de vie des salariés, la situation économique, sociale, politique et morale de la France et des français. C’est avec cela qu’il faut rompre. La CGT a des propositions. La priorité est l’augmentation générale des salaires. C’est la condition d’une protection sociale de haut niveau, d’un développement économique à partir du plein emploi. Un développement des services publics sur tous nos territoires est la condition de l’égalité de traitement de tous les citoyens. Une politique industrielle est la condition de la création de richesse dans notre pays.

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