En Aveyron, les entreprises ont besoin de main-d’œuvre

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  • Les entreprises du bâtiment sont en recherche quasi permanente de main-d’œuvre.
    Les entreprises du bâtiment sont en recherche quasi permanente de main-d’œuvre. Illustration J.-A.T.
Publié le
Guilhem Richaud

Alors que les cas de Sam et de Bosch frappent de plein fouet l’industrie aveyronnaise, d’autres secteurs sont, depuis plusieurs années, à la recherche de main-d’œuvre. Les recrutements sont difficiles et cela devient un sérieux frein économique.

Depuis plusieurs semaines, la situation de l’industrie aveyronnaise est sur le devant de la scène. Les suppressions de postes à Bosch, à Onet-le-Château, et à Sam, à Viviez, ont fait l’effet d’une bombe. Les interventions politiques, avec notamment la venue de la ministre déléguée en charge de l’Industrie, couplées à des échéances électorales qui approchent, ont offert à ces deux cas un retentissement national. Mais ces deux exemples problématiques cachent une situation particulièrement paradoxale. Beaucoup d’entreprises aveyronnaises recrutent. Elles ont besoin de main-d’œuvre. S’il est difficile d’avoir un chiffre précis du nombre de postes à pouvoir, cela se chiffre en milliers. Jean-François Boutonnet est bien placé pour analyser la situation. Avec Solianz, son cabinet de conseil et d’accompagnement en gestion d’entreprise installé à Millau, il suit environ 150 sociétés dans le département. Parmis elles, beaucoup dans le secteur du BTP. "Aujourd’hui, si on devait dresser une liste des entreprises qui recrutent dans les métiers du bâtiment dans le département, elle serait très très longue, commente-t-il. Cela concerne des postes techniques, mais on est parfois surpris par le nombre de chefs d’entreprise qui recherchent des profils administratifs ou dans l’encadrement. Pourtant, il y a des chômeurs, mais l’offre n’est pas en adéquation avec la demande."

Alors les chefs d’entreprise multiplient les canaux de diffusion. Les plus gros groupes, notamment dans l’agroalimentaire, ont leurs propres services de ressources humaines, avec des moyens dédiés aux recrutements. Pour les postes de cadres qu’ils proposent, certains misent aussi sur des agences de recrutement afin d’aller chasser ailleurs qu’en Aveyron. Pour les plus petits, il y a les réseaux sociaux et les réseaux professionnels, Pôle emploi, et également la plateforme Aveyron recrute. "Pour beaucoup, recruter n’est pas leur métier, reprend Jean-François Boutonnet. Ils ne savent pas forcément rendre les postes attractifs. Mais beaucoup ont baissé les bras et n’essaient même plus. Ils sont surchargés de travail et font ce qu’ils peuvent." Nicolas Billy n’en est pas encore arrivé là. Mais ce spécialiste dans la plomberie et le chauffage à Saint-Affrique est confronté à des soucis de recrutement depuis plusieurs années. "C’est chronique, assure-t-il. On passe des annonces, on fait appel à des agences d’intérim, on essaie de communiquer au maximum. Mais un bon plombier ou un bon chauffagiste, c’est très difficile à trouver. Beaucoup de personnes sont peu formées ou là par défaut." Lui le reconnaît : "Il m’arrive de refuser des chantiers parce que je sais que je ne pourrais pas tenir les délais", souffle-t-il.

Le BTP, la santé et l’agroalimentaire

Mais le bâtiment n’est pas le seul secteur touché. La crise sanitaire a mis en exergue les grosses difficultés de recrutement et d’attractivité dans le service à la personne dans le domaine de la santé. Depuis plusieurs mois, les dirigeants de l’ADMR, la fédération aveyronnaise des associations d’aide à domicile tirent la sonnette d’alarme. Ils estiment qu’avec un changement de réglementation, et notamment une refonte de la convention collective, qui dépend de décisions au niveau de l’Etat, qui permettrait de mieux rémunérer les salariés, qui ont aujourd’hui, pour une grande majorité, un point d’indice inférieur au Smic. L’ADMR, qui emploi déjà pas loin de 1 500 personnes, estime qu’il ne lui faudrait pas loin d’une centaine de salariés supplémentaires pour pourvoir aux besoins dans le département. Mais aujourd’hui, bloquée par sa convention collective, elle n’y arrive pas. Et la situation est similaire pour les autres fédérations associatives dans l’aide à la personne.

Pour l’agroalimentaire, secteur majeur de l’économie aveyronnaise, la situation ne vient pas d’un problème réglementaire. Le groupe Alliance Porci d’Oc (Porc Montagne), basé à Sainte-Radegonde, recherche des profils en permanence. Aujourd’hui, il a besoin d’au moins 20 personnes supplémentaires. Sans compter les intérimaires. "Essentiellement sur des postes sur de la découpe, mais aussi dans la pesée, dans la préparation de commandes ou des chauffeurs", détaille Mikaël Le Gallic, directeur du groupe depuis deux ans. La crise sanitaire n’a pas porté atteinte aux projets de développement de l’entreprise. À tel point que pour une partie des métiers, l’entreprise doit aller chercher des spécialistes à l’étranger, notamment dans les pays de l’Est. "Sur partie découpe, historiquement, ces pays ont une bonne connaissance, détaille le responsable. Faute de trouver de main-d’œuvre qualifiée en Aveyron, on a recours à des agences d’intérim qui ont des réseaux à l’étranger et qui peuvent faire venir ces profils qualifiés." Une situation non seulement coûteuse, mais pas forcément efficace sur le long terme. Un problème pour l’entreprise qui, à la sortie de la crise sanitaire, s’en sort très bien. "Je crains que ces problèmes de recrutement puissent potentiellement être un frein à notre développement, reprend Mikaël Le Gallic. Nous avons une activité économique et un volume soutenu. Le Covid fait que les gens reviennent vers la consommation de produits locaux. Nous produisons du porc aveyronnais et nos carnets de commandes sont bien remplis. Nous avons des projets d’investissement, mais il nous faut des opérateurs pour les honorer. C’est un problème."

 

Le chiffre

9 862

C’est le nombre d’offres d’emploi en Aveyron publiées au cours de l’année 2020 sur le site de Pôle emploi. Les quatre domaines d’activités principaux sont le service à la personne et à la collectivité (16 % des annonces en augmentation de 13,8 % par rapport à 2019), la santé (13 % ; +17,1 %), l’industrie (12 % ; – 1,7 %), la construction et le BTP (11 % ; – 15,3 %) et le commerce (11 % ; – 25,1 %).

 

Alors l’une des solutions vient de la formation. Les pouvoirs publics, comme les chambres (de commerce et d’industrie, de métiers et de l’artisanat et de l’agriculture), mais aussi les entreprises, travaillent activement sur le sujet. "Je suis persuadé que la solution vient par la mise en place de formations pour les gens qui vivent ici, reprend le directeur de Porc Montagne. On a la possibilité d’assurer des carrières longues. On peut proposer des formations spécifiques pour qualifier des gens sans cursus préalable." Le responsable est actuellement en contact avec les différents organismes de formation pour voir comment mettre ça en place.

Former de manière durable pour trouver des solutions aux nombreux besoins : la solution pérenne à la complexe équation non résolue de l’offre qui ne correspond pas à la demande et qui sépare encore un peu l’Aveyron du plein-emploi.

La restauration inquiète pour trouver des saisonniers pour l’été

Alors qu’ils sont fermés depuis le mois d’octobre, les restaurants espèrent pouvoir ouvrir à nouveau, au moins de manière partielle, dans le courant du mois de mai. Les patrons d’établissement sont actuellement à la recherche de main-d’œuvre pour préparer la saison estivale. Ce début du printemps est traditionnellement la période propice aux recrutements des saisonniers. Problème, pour le moment, c’est le calme plat du côté des candidatures. Les restaurateurs sont confrontés à une crise de personnel, qui, désœuvré, a profité des longs mois sans activité pour chercher autre chose. Et souvent, se reconvertir. "Aujourd’hui, tout le monde a du mal, confirme Michel Santos, président de l’Umih en Aveyron et restaurateur à Rodez. On est tous à la recherche de cuisiniers et de serveurs qualifiés et on n’en trouve pas. Je pense que la raison vient du fait que la situation est compliquée. On nous annonce des dates de réouverture, mais pour le moment on ne sait pas trop où on va, donc pour nos collaborateurs, c’est pareil. Depuis la fermeture à l’automne, beaucoup ont fait autre chose et ont trouvé un équilibre, notamment familial. C’était déjà compliqué avant et je pense que ce sera encore pire."

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