Aveyron : le Nutri-score menace les produits d’excellence AOP et IGP

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  • Le roquefort enregistre la plus mauvaise note, tout comme de nombreux produits aveyronnais.
    Le roquefort enregistre la plus mauvaise note, tout comme de nombreux produits aveyronnais. Illustration
  • Les enseignes de la grande distribution appliquent déjà le dispositif sur leurs marques. Les enseignes de la grande distribution appliquent déjà le dispositif sur leurs marques.
    Les enseignes de la grande distribution appliquent déjà le dispositif sur leurs marques.
Publié le
RICHAUD Guilhem

Le changement de réglementation annoncé pourrait avoir des conséquences qui inquiètent les filières aveyronnaises.

Un système de classification en cinq échelons, basé sur trois couleurs (vert, jaune, rouge), qui permet de mesurer la qualité nutritionnelle d’un produit. Créé en 2016, par les autorités françaises de santé publique, le Nutri-score s’est peu à peu installé sur les emballages des produits alimentaires, afin de mieux guider les consommateurs dans leurs choix. Mais dans quelques mois, sous l’impulsion de l’Europe, il pourrait devenir obligatoire sur la totalité des aliments. Ce qui inquiète fortement les filières d’excellence françaises.

"Totalement inadapté"

En effet, le pays, comme l’Aveyron, possède de nombreux AOP et IGP, un gage de qualité reconnu par les professionnels comme par les consommateurs. Mais nombreux d’entre eux sont mal classés au Nutri-score. Tout simplement parce que l’échelle de notation n’a pas vraiment été construite pour eux. Leur imposer devient donc un souci, à l’heure où les consommateurs, notamment de la grande distribution, sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils mettent dans leur panier. "Ce n’est pas un combat contre le Nutri-score en tant que tel, assure Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération générale de roquefort, qui gère le plus vieil AOP de France. On peut tout à fait entendre et partager le fait que l’information du consommateur est légitime, pour peu qu’elle soit juste et complète. Le Nutri-score est totalement inadapté, c’est même un contresens pour les produits sous signe de qualité que sont les AOP et les IGP qui eux, sont des produits très peu transformés, voir pas du tout, et qui sont des produits dont les qualités nutritives sont assez largement ignorées." Car la grille d’évaluation du Nutri-score se contente de mesurer la présence de gras, de sucre, de sel et de calories, sans d’ailleurs faire la distinction entre les bons et mauvais sucres ou gras, et n’étudie pas le degré de transformation, la présence d’additifs, de colorants ou même de conservateurs.

Des portions incongrues

Autre souci, la note est calculée sur une portion précise : 100 g ou 100 ml pour les produits liquides. Ce qui n’est pas forcément représentatif des habitudes de consommation. "Selon les études, les fromages sont consommés dans une proportion très proche des recommandations de santé, autour de 30 g par jour, reprend le responsable de la Confédération générale de Roquefort. En revanche une canette de soda light va être calculée sur 100 ml, alors que la réalité de consommation est de 33cl (330 ml)." Tout cela amène à des aberrations qui font qu’un soda light, dans lequel le sucre est remplacé par de l’aspartame, est classé B, alors qu’un jus fermier venant de la ferme, avec des sucres naturels, sortira C ou D. Pour les fromages, c’est encore pire : "Le roquefort, qui n’est que du lait cru et du sel est classé E, pendant qu’un fromage industriel à tartiner allégé, très transformé, va sortir en B", souffle Sébastien Vignette.

Mais le combat ne concerne pas seulement le roi des fromages. C’est le cas de tous les produits labellisés, et ils sont nombreux en Aveyron. Pierre Cabrit, président de l’Interprofession régionale du veau de l’Aveyron et du Ségala, est tout aussi amer. Si sa viande brute est classée B, ce n’est plus le cas dès qu’elle est cuisinée. " Une paupiette pur veau label rouge sera classée C voire D car elle sera cuisinée avec une barde de porc, qui ne se mange pas et qui sert juste à parfaire la cuisson, pendant qu’une paupiette en barquette standard avec du porc à l’intérieur associée à du riz peut de nouveau être classée A car c’est le plat en entier qui est mesuré ", détaille-t-il.

Des exemples éloquents de l’aberration d’un système de notation dont les professionnels aveyronnais ne contestent pas le fondement, mais ils voudraient que les produits possédant un label de qualité en soient exemptés.

Des dérives constatées

"Beaucoup d’éléments nutritionnels sont déjà pris en compte dans le cahier des charges de nos labels, rappelle Pierre Cabrit. Si on doit apporter une information nutritionnelle au consommateur, on ne peut pas le faire seulement avec un feu tricolore qui est très réducteur. N’infantilisons pas le consommateur." Même position du côté de roquefort : "Quand vous mettez un feu rouge sur un produit, pour le consommateur lambda, c’est interprété comme un signe de mauvaise qualité, s’agace Sébastien Vignette. Et cela alors même que les autorités de santé recommandent la consommation de produits laitiers. On arrive à une absurdité : le programme nutritionnel de santé national incite à manger plusieurs produits laitiers par jour, la loi Egalim indique que dans la restauration il faut arriver à 50 % de produits de qualité, et en même temps, on nous met une étiquette rouge…"

Et les professionnels de dénoncer les dérives qui en découlent du côté des grands groupes de l’agroalimentaire : "Ils ont emboîté le pas en créant des produits pour le Nutri-score, en les transformant encore plus…", bondit Pierre Cabrit.

Une injustice que les produits d’excellence aveyronnais ne veulent pas laisser passer.

Le Député Mazars s'empare du sujet

Interpellé sur le problème du Nutri-score par plusieurs représentants des produits de qualité aveyronnais, le député de l’Aveyron Stéphane Mazars s’est saisi du dossier. La semaine dernière, il a adressé une lettre au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie. Dans ce courrier, s’il ne remet pas en cause la philosophie générale du dispositif, le député tente tout de même d’alerter sur le " non-sens " " d’imposer un étiquetage nutritionnel à nos produits agricoles traditionnels peu ou pas transformés et aux produits couverts par une IG ". Dans le viseur de Stéphane Mazars, la contrainte, liée notamment à la réglementation européenne, d’imposer, à partir de 2022, le logo sur tous les produits alimentaires, sans distinction. " J’en appelle à votre plus grande clairvoyance pour défendre, au niveau national et européen, l’exemption d’étiquetage Nutri-score sur les produit AOP/IGP, vitrine de l’agriculture française, relance l’élu. Avant de sacrifier nos produits agricoles d’excellence par ce qui pourrait s’apparenter à un excès de zèle, misons sur l’éducation alimentaire de nos enfants et le bon sens pratique de nos concitoyens-consommateurs. "

Dans ce texte, Stéphane Mazars alerte aussi sur les répercussions économiques que pourrait avoir le Nutri-score sur les filières d’excellence s’il entrait en vigueur.

 

Un classement déjà présent chez certaines marques distributeurs

Alors que dans un soucis de transparence, la plupart des enseignes de la grande distribution ont déjà décidé d’apposer le Nutri-score sur les produits de leurs marques distristributeurs, ce système de notation, pourtant imparfait (lire ci-dessus), semble trouver écho auprès des consommateurs. En effet, deux études confirment que ce logo est bien regardé. Le groupe américain Nielsen, spécialisé dans le marketing, a réalisée une étude en 2019, qui confirme que le Nutri-score oriente réellement le choix des consommateurs. Moins de trois ans après son apparition, un consommateur sur sept assurait y être attentif. Un chiffre qui montait même, à l’époque, à 1 sur 5 chez les moins de 35 ans.

Ces données montrent que très rapidement, le Nutri-score a gagné sa place, devançant ainsi des labels bien plus anciens, tels que Bleu-Blanc-Cœur, Max Haavelar ou Nature & Progrès. Il y a fort à parier que deux ans après cette étude, le Nutri-score s’étant étendu à beaucoup de produits, il est encore mieux connu des consommateurs.

Si l’étude américaine sur le marché français confirmait toujours que les labels de qualité restaient pour les consommateurs, les premiers gages de confiance, la montée du Nutri-score et notamment son audience chez les plus jeunes, sont bien une source d’inquiétude pour les filières d’excellence françaises, à l’heure où l’Europe s’apprête à étendre le dispositif.

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Les commentaires (1)
Altair12 Il y a 2 années Le 07/06/2021 à 13:08

Le nutriscore se dévalorise lui même et perd toute sa valeur en classant rouge des produits très bons pour la santé !
C'est encore une usine à gaz imaginée par des technocrates/bureaucrates en mal de gabegie dont les gouvernements passés et actuel sont friands tels les 80, les subventions, la gestion des crises, les impôts.....