Une question de blé : Pourquoi le G20 a-t-il brossé la Russie dans le sens du poil ?

  • Les pays du G20 ont évité de froisser Moscou.
    Les pays du G20 ont évité de froisser Moscou. MAXPPP - INDIA PRESS INFORMATION BUREAU
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Les pays du G20 ont adopté par consensus, samedi 9 septembre au premier jour de leur sommet en Inde, une déclaration commune dans laquelle ils s'abstiennent de condamner l'invasion russe de l'Ukraine. Si Kyiv peste, Emmanuel Macron minimise.

Le Russie n'a pas une nouvelle fois été sermonnée par ses confrères du G20 sur la guerre en Ukraine. Aucune condamnation donc de l'invasion russe dans la déclaration commune adoptée par consensus au premier jour du sommet à New Delhi, tout juste un appel à ne pas recourir à la force pour conquérir des territoires.

Ce consensus peut surprendre alors que les pays du G20, dont fait partie la Russie, sont profondément divisés au sujet de la guerre en Ukraine. Les pays occidentaux souhaitaient dans un premier temps une ferme condamnation de la Russie alors que d'autres entendaient mettre l'accent sur des thèmes plus larges, tels que l'économie.

"Nous appelons tous les Etats à respecter les principes du droit international, y compris l'intégrité et la souveraineté territoriales, le droit humanitaire international et le système multilatéral qui préserve la paix et la stabilité", est-il écrit dans cette déclaration des 20 puissances aux intérêts et objectifs disparates, voire antagonistes.

Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a déclaré qu'il n'y avait "pas de quoi être fier" de cette déclaration et a regretté que Kyiv n'ait pas été invité à ce sommet.

La France juge en revanche ce communiqué "très satisfaisant" : "Le G20, c'est du consensus donc par définition il n'y a pas de perdant", selon une source diplomatique française.

La question des céréales

Cette absence de condamnation de l'ingérence russe en Ukraine est tactique : elle permet de ne pas froisser Moscou à propos d'un autre point de cette déclaration commune : la question des céréales.  Les pays du G20 ont en effet prôné la mise en oeuvre des initiatives destinées à assurer un transport sûr des céréales, engrais et produits alimentaires ukrainiens et russes en mer Noire.

La Russie s'est retirée en juillet d'un accord sur le transport de ces céréales en mer Noire en dénonçant le non-respect de ses exigences au sujet de ses propres exportations de céréales. Et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait prévenu qu'il bloquerait la déclaration si elle ne reflétait pas la position de Moscou sur certaines questions, notamment celle de la guerre en Ukraine. Samedi, il s'est aussi satisfait que la guerre en Ukraine n'éclipse les autres sujets.

Présent à ce sommet, Emmanuel Macron a jugé que le G20 avait davantage vocation à traiter les questions économiques, financières et climatiques que géopolitiques, et concernant la guerre en Ukraine, il a estimé que le G20 "n'est pas le lieu où vous aurez des progrès diplomatiques sur cette question".

Ukraine et Russie, deux poids-lourds des céréales

Le but, en éludant cette question, est évidemment de faire revenir la Russie à la table des négociations afin de parapher un nouvel accord sur les exportations de céréales, après que Moscou se soit retiré de ces accords en juillet dernier.

La Russie est le premier exportateur mondial de blé, quant à l'Ukraine, qui a exporté 54 millions de tonnes de céréales sur les 80 millions produites en 2019, c'est une partie vitale de son économie.

La guerre entre l'Ukraine et la Russie se déroule aussi à ce niveau-là. Pour les pays européens, plutôt rangés derrière l'Ukraine, l'enjeu est d'assurer les importations de céréales, ukrainiennes mais aussi russes, de peur que ces dernières ne filent en masse vers l'Afrique et d'autres pays émergents. Mais aussi d'assurer le transport de ces céréales dans la zone en conflit, et un volume nécessaire pour que les prix de ces denrées ne repartent pas à la hausse et n'aggrave pas la faim dans le monde.

Voilà pourquoi en Inde, le G20 tente d'arrondir les angles avec Moscou.

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