Taxe foncière, recrutement, violences contre les élus... Les sujets "brûlants" se multiplient pour les maires aveyronnais

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  • Jean-Marc Calvet, président de l’Association départementale des maires, jeudi dernier sur ses terres de Rignac.
    Jean-Marc Calvet, président de l’Association départementale des maires, jeudi dernier sur ses terres de Rignac. Centre Presse - José A. Torres
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Mathieu Roualdès

L’Association départementale des maires (ADM), regroupant les 285 communes et 19 intercommunalités aveyronnaises, s’est réunie à Rignac pour son 80e congrès. Devant Gérard Larcher, président du Sénat, invité de marque, les édiles ont balayé de nombreux sujets de tension par la voix de leur président,Jean-Marc Calvet. On fait le point.

Taxe foncière : « Une fiscalité faite de rustines… »

Le coefficient correcteur, surnommé « coco » par les élus, connaissez-vous ? « C’est un sujet qui fait l’unanimité chez les maires aveyronnais ! », s’agace Jean-Marc Calvet, président de l’Association départementale des maires. Cette nouvelle fiscalité, apparue depuis la disparition de la taxe d’habitation en 2021, oblige désormais les municipalités à reverser une part de leurs recettes sur la taxe foncière.
« Cela, personne ne le sait mais les communes, via nos concitoyens, ont déjà reversé 33 millions d’euros dans ce pot commun… Qui va en direction de communes souvent bien mieux loties que les nôtres. En 2023, on va contribuer à hauteur de 37 millions d’euros ! Que va devenir cet argent ? C’est le grand flou, alors qu’on ne cesse de parler de transparence. Toujours est-il que ceux qui bénéficient du système ne sont pas majoritairement dans la ruralité…Je n’en dirai pas plus», dénonce Jean-Marc Calvet. Et d’évoquer « une fiscalité française faite de rustines. Avec d’un côté, ceux qui payent et de l’autre ceux qui en profitent ».

Gestion de la dépendance : « Il y a urgence à agir ! »

L’information avait été particulièrement relayée : en Bretagne, une quarantaine de maires de petites communes s’étaient regroupés durant l’été pour annoncer qu’ils ne paieraient plus leurs factures d’énergie des Ehpad. Outre un problème de recrutement, les structures publiques sont au bord de l’asphyxie avec l’inflation. Au niveau national, 9 structures sur 10 seraient aujourd’hui en déficit… Le constat est guère plus reluisant en Aveyron. Et cela inquiète.

« Depuis 1995 que je gère un Ehpad, comme beaucoup de maires ici, je n’ai jamais connu une pareille situation. Quand l’établissement est communal, on compense avec le budget général. Et on pioche dans les réserves… cela ne peut plus durer ! Il y a urgence à agir. La solution ne peut venir que par une augmentation des produits, des recettes mais aussi des dotations », a indiqué Jean-Marc Calvet, maire de Rignac.

Le chiffre: 1.000

Alors que le président du Sénat, Gérard Larcher, a soutenu que la France « se paralysait face à une avalanche de normes » et que « les recours étaient toujours plus nombreux contre les projets », les maires aveyronnais savent compter sur l’Association départementale des maires pour toutes les questions juridiques. Et notamment sur Pauline Bories, chargée de mission au sein de la structure et responsable juridique. En une année, celle-ci gère plus de… 1 000 questions. « Avec une réponse toujours très rapide », s’est félicité Jean-Marc Calvet.


Récemment, un collectif s’est créé dans le département pour porter la voix des structures, plus que jamais précieuses et vitales pour un territoire vieillissant. Arnaud Viala, président du Département, lui, ne cesse de répéter qu’il souhaite, avec l’aide de l’État, devenir un territoire d’expérimentation « pour l’Ehpad de demain ». « Le modèle actuel ne correspond plus aux attentes, il faut en changer », dit-il, tout en refusant de voir la compétence prendre la direction du national, comme plusieurs présidents de collectivités en ont fait, aux quatre coins de France, la demande ces derniers temps.

Recrutement : « Le modèle ne séduit plus les jeunes »

Il y a bien entendu les problèmes de recrutement connus dans les Ehpad. Mais pas seulement, cela devient bien plus général désormais dans les collectivités. Le métier de secrétaire de mairie, qu’on sait essentiel, n’attire plus par exemple.Une formation vient d’ailleurs d’être lancée pour susciter de nouvelles vocations (lire par ailleurs). «Même lorsqu’on parvient à recruter, c’est difficile de fidéliser », regrette Jean-Marc Calvet, pour qui « la fonction publique territoriale n’a plus l’attractivité que nous connaissions ». « Le système est rigide et ne semble pas adapté au monde actuel : les jeunes sont davantage dans l’immédiateté que dans les carrières longues de la fonction publique. Ce modèle ne les séduit plus », explique-t-il, sans oublier d’évoquer une grille salariale de fonctionnaires pas toujours adaptée…

Violences envers les élus : « En Aveyron aussi, ça existe »

C’est un sujet largement médiatisé : au-delà d’une certaine crise de vocation dans les petites communes, les maires se retrouvent de plus en plus confrontés à des actes violents. Parfois jusqu’au drame. La semaine passée, devant tous les élus aveyronnais, Jean-Marc Calvet a insisté sur cette réalité. « Le maire est le visage de la démocratie locale. Il est surtout en première ligne, à portée de baffes selon l’expression. Et en Aveyron aussi, des maires ont été agressés : récemment encore, j’en ai accompagné un jusqu’au tribunal ! Nous devons être vigilants », a-t-il exprimé, tout en rappelant les nombreuses formations, dispensées par les gendarmes, à la disposition des élus locaux.

Loi zéro artificialisation nette : « Comment se développer ? »

C’est une loi « ruralicide », selon les termes du président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. En Aveyron, la colère est grande aussi contre la loi zéro artificialisation nette, dite ZAN. Elle impose de réduire de moitié, d’ici à 2031, la consommation d’espaces naturels et agricoles par rapport à la décennie précédente. Deuxième phase, la loi impose dès 2050 à ne plus construire sur des espaces naturels, à moins de renaturer des surfaces équivalentes… « Comment se développer, comment gagner des habitants dans nos territoires ? On parle de gens en télétravail, d’un retour à la ruralité mais que va-t-on dire à un couple voulant s’installer chez nous quand on ne pourra plus construire ? Que va-t-on dire à un artisan ou à un agriculteur qui portent un projet ? », ont rappelé, particulièrement inquiets, de nombreux maires.

Une nouvelle formation pour devenir secrétaire de mairie

Elles sont des maillons indispensables des communes aveyronnaises. En particulier celles de moins de 2.000 habitants. Les secrétaires de mairie – puisque c’est d’elles qu’il s’agit – occupent un poste pluridisciplinaire essentiel. Véritable bras droit du maire, elles sont à la fois vigies, guichets de renseignements et secrétaires tout court (notamment pour l’état civil). Mais ce métier est, de plus en plus, en tension. D’ici fin 2024, pas moins de 261 départs à la retraite sont à prévoir à l’échelle de l’Occitanie. « Nous ne voulions pas être uniquement dans le constat»,, déroule Hussein Bourgi, sénateur de l’Hérault et conseiller régional. D’où le lancement d’une formation par le CNFPT Occitanie (centre national de la fonction publique territoriale) tout dernièrement dans l’Aveyron destinée à 17 demandeurs d’emploi (dont 16 dames).

90 % d’emploi à l’issue de la formation

Une formation, qualifiante, prévue jusqu’au 27 novembre qui alterne théorie, dans les locaux du CNFPT à Rodez, et pratique via des immersions dans des communes d’accueil… de moins de deux mille habitants naturellement. « Les futures secrétaires de mairie vont aborder autant les marchés publics que la comptabilité publique et le droit funéraire. Un tronc de formation commun que soutien, et indemnise la Région », appuie l’élu.
Et dans les dames volontaires figurent certains parcours vraiment originaux. Comme celui d’une ancienne cheffe d’entreprise du secteur de la sécurité en pleine reconversion à plus de cinquante ans. Ou bien encore une Millavoise quadragénaire diplômée en comptabilité. « L’éventail des âges varie de 31 à 53 ans avec un niveau moyen de BEP, résume Hussein Bourgi. Cette formation est une action concrète au plus près des besoins des petites communes de nos territoires. »
Car, avant l’Aveyron, le dispositif a été déployé depuis fin 2021, avec succès, en Lozère, dans le Gard, l’Hérault, le Tarn, l’Aude ou bien encore l’Ariège et les Hautes-Pyrénées. Au total ce sont ainsi 200 demandeurs d’emploi qui ont pu apprendre le métier de secrétaire de mairie avec 90 % de recrutement à l’issue de deux mois de formation.
Frédéric Mayet

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