Loi immigration rejetée : démission, abandon du texte, 49.3... Quels sont les scénarios possibles maintenant ?

  • L'avenir est incertain pour le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
    L'avenir est incertain pour le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. MAXPPP - Mohammed Badra
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Recueilli par Anne-Laure de Chalup

Que peut-il se passer, maintenant que la loi immigration a été rejetée avec l'adoption de la motion de rejet ?

Enorme secousse dans les rangs de la majorité, le projet de loi défendu par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ne sera pas discuté à l'Assemblée nationale. A cinq voix près, la motion de rejet déposée par les écologistes a été adoptée (270 voix pour et 265 contre).

Les options sont limitées maintenant pour le gouvernement, et Gérald Darmanin risque gros. On a posé nos questions à Benjamin Morel, politilogue, maître de conférences à Panthéon Assas (Paris).

L’Assemblée nationale vient d’adopter une motion de rejet de la loi immigration portée par Gérald Darmanin. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Désormais, plusieurs scénarios sont possibles. Il peut y avoir une démission de Gérald Darmanin, ce qui signifierait automatiquement le retrait du texte et l’abandon de cette loi immigration. Un remaniement interviendra dans un second temps. Si le ministre de l’Intérieur décide de rester, le gouvernement peut laisser filer le texte en navette parlementaire normale. Il reviendra alors au Sénat et pourra revenir à l’Assemblée nationale et là, le problème sera toujours le même, il faudra une majorité. Ça laisse juste un peu de temps pour essayer de négocier.

Le texte peut aussi partir en commission mixte paritaire, mais il n’y aurait toujours pas de majorité à l’Assemblée. Vous pouvez soit faire passer le texte, avec Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN), contre la gauche de l’Assemblée. Ça risque de donner des aigreurs d’estomac à la gauche de la majorité… Ça veut quand même dire que vous faites passer un texte avec Éric Ciotti et Marine Le Pen contre Sacha Houlié… Enfin, ils peuvent avoir recours au 49.3, là encore contre la gauche de leur majorité, c’est le scénario “El Khomri sous François Hollande”, c’est très violent.

Est-ce trop tôt pour évoquer une dissolution de l’Assemblée nationale ?

C’est un peu tôt en effet. Pour l’instant, les enquêtes d’opinion montrent que très peu de choses ont changé depuis les législatives de 2022. Une dissolution fragiliserait encore un peu plus la majorité qui pourrait être encore plus étriquée.

La seule inconnue est l’accord électoral de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale), à savoir le fait que les candidats ne se fassent pas concurrence. Si cela ne bouge pas, il est très difficile d’envisager une majorité à l’Assemblée nationale. Si, par contre, on voit des candidats communistes faire concurrence à des Insoumis, etc., là, la plupart des circonscriptions peuvent tomber. Et si les circonscriptions tombent, la majorité redevient possible.

Gérald Darmanin ne l’a pas vu venir selon vous ?

La motion de rejet n’était pas complètement improbable mais je doute qu’il ait vu la chose de manière aussi sèche. Que le texte ne passe pas, c’était une possibilité sérieuse, mais qu’il ne soit même pas examiné, c’est quelque chose d’extrêmement violent. Toute sa stratégie qui était de dire “je peux construire une majorité alternative qui soit une alliance entre la droite parlementaire et la majorité” vient de s’effondrer. Il voulait unir dans le même bateau Sacha Houlié et Éric Ciotti, ça n’a pas marché.

L’idée qu’il pourrait y avoir une majorité qui pencherait plus à droite et qui permettrait d’avoir les LR comme partenaires structurels et fiables, avec un Gérald Darmanin comme la quintessence de tout cela, c’est clairement mort aujourd’hui. Ce n’est pas seulement un rejet de texte, c’est un rejet plus global, plus profond.

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