Football : pour le Ruthénois Lionel Mpasi, la coupe d'Afrique des nations "va être une fête incroyable"

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  • Lionel Mpasi, ici à Vabre en toute fin d’année dernière, avant de s’envoler pour Dubaï et la préparation de la CAN ponctuée notamment par deux amicaux, contre l’Angola (0-0)  et le Burkina Faso (revers 1-2).
    Lionel Mpasi, ici à Vabre en toute fin d’année dernière, avant de s’envoler pour Dubaï et la préparation de la CAN ponctuée notamment par deux amicaux, contre l’Angola (0-0) et le Burkina Faso (revers 1-2). Jean-Louis Bories
Publié le
Aurélien Parayre

La CAN de Lionel Mpasi, le gardien ruthénois de la RD Congo débute mercredi 17 janvier (21 heures) face à la Zambie. L’ex du PSG s’était livré sur ses objectifs, sa relation à la sélection ou encore sa situation en club avant de décoller il y a quelques jours.

Quelle émotion ressentez-vous au moment de partir participer à votre toute première compétition internationale en seniors ?

Déjà, on était mal embarqué dans la campagne de qualification. On avait débuté avec deux défaites, donc on partait avec un énorme handicap. Mais on a finalement réussi à se qualifier et c’était déjà une joie incroyable pour le pays. On l’a ressenti. Et là, y être, faire partie des meilleures équipes africaines, sachant qu’on a raté la dernière CAN, c’est magnifique. On le ressent autour du pays, de la population : on sait que si l’équipe nationale gagne, les gens sont heureux ; et c’est franchement un bonheur de voir les gens heureux comme ça.

Vous le ressentez, vous, même depuis Rodez ?

Oui, oui. Car il y a beaucoup de Congolais à travers le monde. Et même à Rodez, depuis que je suis en sélection, les supporters suivent le Raf maintenant, commentent les posts (sur les réseaux sociaux) du club. Et j’ai aussi de la famille, des cousins, des amis et les gens sont fiers d’être Congolais et que je sois en sélection.

Vous l’imaginiez petit, jouer une CAN ?

J’ai toujours regardé la CAN, c’était LE rendez-vous à ne pas rater en janvier. Je suivais le Congo. C’était l’époque de Dieumerci Mbokani, de mon actuel coach des gardiens Robert Kidiaba… Je suivais en tant que supporter, mais je n’avais jamais vraiment imaginé pouvoir la jouer un jour. Et le fait que ce moment arrive, oui, c’est cool. J’ai hâte, ça va être une fête incroyable.

Quel est l’objectif de votre équipe nationale ?

Aller en quart de finale. C’est en tout cas ce que le coach (Sébastien Desabre, ancien de Niort en L2) a dit. Sachant que quand il est arrivé (en août 2022), il avait donné l’objectif de se qualifier pour la prochaine coupe du monde et la CAN d’après. Du coup, là, c’est un bonus, on est en avance sur les temps de passage. Et avec le groupe que l’on a, je pense que l’on peut faire de bonnes choses. J’espère en tout cas qu’on ira le plus loin possible.

Lors de la phase de poule, il y a en deuxième match un gros morceau, le Maroc…

Oui, c’est aussi une petite revanche avec les Marocains en plus. Car on les a croisés lors des qualifications pour la dernière coupe du monde. Et on n’avait pas réussi à se qualifier, on avait subi une sévère défaite là-bas (4-1 en barrage retour, en mars 2022). On est un peu revanchards, on aimerait bien se venger de ce match-là.

C’est un match que vous avez coché particulièrement ? Sachant, qu’avant vous aurez affronté la Zambie. Comment abordez-vous ce premier tour ?

Non, je n’ai pas coché de match en particulier. C’est juste être prêt pour disputer cette compétition. Quand je suis arrivé en sélection, j’étais N°2 (première apparition dans le groupe à l’automne 2021 et première sélection officielle l’hiver suivant), puis j’ai eu la chance de jouer récemment, et j’ai envie d’être dans la continuité, de pouvoir aider mon pays, rendre fier ma famille, mes proches et les Congolais.

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Vous le disiez, comme au Raf, vous avez débarqué en sélection avec un rôle de doublure, et vous avez là aussi gagné votre place de N°1. C’est dans votre ADN de devoir prouver encore plus ?

C’est comme ça que je suis en tout cas. Je suis un mec qui ne lâche jamais, qui se bat tout le temps. Je crois beaucoup en moi, en Dieu également, comme ma famille, et ça m’aide pas mal. Ma mère a toujours cru en moi, et m’a toujours dit de ne jamais lâcher. On est comme ça chez moi, et je pense que cela paye aujourd’hui.

À 29 ans, pensez-vous que vous êtes au top, au maximum de votre potentiel ?

On m’a toujours dit que les gardiens arrivaient à maturité autour des 30 ans ; qu’à cet âge-là, ils se connaissaient parfaitement. Et oui, je suis dans les années où je m’éclate le plus, où je me connais, j’arrive à être beaucoup plus concentré, plus calme, avec moins de stress pendant les matches. Je ne sais pas si je suis à l’apogée ; mais en tout cas, je suis bien en ce moment.

Vous êtes aussi un gardien qui aime prendre des risques. Pour le meilleur comme cette passe décisive de la main en novembre dernier en sélection face à La Mauritanie. Mais aussi le pire et ce lob encaissé de Hamel du Paris FC, de sa propre moitié de terrain en décembre. Là aussi, ça fait pleinement partie de vous ce style de jeu ?

(Rires) Oui. Je ne suis pas très grand (il mesure 1,82 m) comme les "gardiens modernes", du coup, j’ai d’autres qualités à faire valoir. Je suis assez dynamique, je vais davantage aller couper des ballons dans la profondeur pour soulager ma défense dans son dos qu’un gardien qui va rester sur sa ligne. C’est mon style. C’est drôle, car ce but au Paris FC, je ne le voyais qu’à la télé. Un lob de 50 mètres… Je me disais : "Mais, moi, ça ne peut pas m’arriver" (rires).

Et quand le ballon est parti ce soir-là, je me suis dit : "Oula, je suis dans la m…" Et ça a été le cas, il a mis un super but. Mais comme m’ont dit le coach des gardiens du PFC et Charles (Cieslinsky, celui du Raf) : "Tu en prendras un comme ça dans ta carrière certes ; mais pour combien de ballons coupés dans la profondeur évitant une occasion de but." Du coup, je reste dans mes principes, mes qualités, dans ce que je sais faire de mieux. Malgré cette erreur-là.

Sentez-vous que vous avez encore des éléments à améliorer, des choses à aller chercher dans votre jeu ?

Oui, bien sûr. Même à 29 ans, je progresse tout le temps. Et cela se mesure à des détails. être précis sur des placements par exemple. Ça se joue à rien, parfois à seulement 30 centimètres, à une position du corps. Et je trouve que plus je vieillis, plus je suis précis sur cela. Et c’est capital. Depuis que Charles est là, on bosse super bien.

Il me corrige pas mal sur mes postures, sur mon engagement. Et comme on disait, je suis un gardien qui prend des risques, à l’image de l’an dernier où je me pète les dents, je suis un gardien qui va au contact, et il faut que je reste dans ça, que je ne le perde pas car c’est ce qui fait ma force.

C’est ce qui plaît aussi, car il se passe toujours quelque chose quand vous avez la balle.

(Rires) Je ne suis pas un gardien qui reste dans mon but. Je suis acteur en fait. Et j’aime ça. Acteur du jeu, de mon équipe, je suis tout le temps en train de parler à mes gars en défense et je pense que c’est important qu’ils sentent cette présence derrière eux.

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Jouer en sélection, on imagine que ça vous a forcément fait passer un cap aussi…

En termes d’expérience, ça amène quelque chose de plus, forcément. Tu joues avec des mecs différents qu’en clubs. Avec des mecs qui jouent en Ligue 1, la coupe d’Europe. Et puis tu joues en Afrique aussi, un football différent.

Il a quoi de différent ?

En France, c’est hypra-tactique, avec, souvent, des matches très fermés, des blocs qui respectent beaucoup les systèmes défensifs. Alors qu’en Afrique, tout le monde va vite, saute haut et est puissant. Du coup, tu peux te retrouver à jouer contre des petites nations, mais avec des bombes. C’est pour ça qu’il faut s’adapter. C’est aussi pour ça que certains mecs y arrivent bien en Europe, mais pas en Afrique. Et il y a aussi les conditions : la chaleur, les terrains.

Au niveau calendrier, tout au long de l’année, enchaîner club et sélection, qui plus est sur un autre continent, comment le vivez-vous ?

Moi, je le vis bien, ça ne fait aussi que deux ans que je suis en sélection. Après, je comprends tout à fait que des gars, comme Raphael Varane par exemple, qui arrêtent leur carrière internationale à 30 ans car ça fait 10 ans qu’ils font ça, sans vacances, ni repos. C’est vrai que ça peut paraître un peu lourd, mais, moi, je profite en fait. Je me dis que j’ai de la chance d’être appelé. Je prends ça comme un plus et je me reposerai en fin de saison.

Quelle relation entretenez-vous avec le sélectionneur Sébastien Desabre ?

Nos relations sont bonnes. Il me connaissait de la Ligue 2 quand il coachait Niort et que nous nous affrontions. C’est quelqu’un qui aime la franchise. Et j’apprécie ça chez lui. Quand il a été nommé, j’en avais discuté avec Joseph Mendes (ex de Rodez et de Niort), et il me disait que c’était quelqu’un avec de forts principes, du caractère, et qu’il aimait les bonshommes, qu’on lui dise les choses en face. En plus de ça, il a ramené un cadre dans l’équipe et ça se passe super bien.

Quelle est sa patte ?

Il a remis de l’ordre. Il demande des choses bien précises, tout est bien cadré. Il ne laisse plus de place au hasard en termes de voyage, de logement, d’accueil. Il n’y a plus trop de problèmes logistiques. Et c’est pareil pour les entraînements : c’est super carré. Il n’y a plus d’éparpillement. Il a ramené un professionnalisme qui nous manquait.

Quel échange avez-vous eu au sujet de votre statut de N°1 ?

Il n’y a pas forcément eu d’échange en réalité. J’étais N°2 derrière Joël Kiassumbua (sans club actuellement). En juin dernier, il était suspendu, donc je savais plus ou moins que j’allais jouer. J’y étais prêt en tout cas. Et ça s’est bien passé. Mais je n’avais pas eu de discussion avec lui avant, où il m’aurait dit : "Tu es N°1". Le coach marche beaucoup à la concurrence, ce sont les meilleurs qui jouent. Je sais qu’il ne me dira jamais que je suis N°1 à part entière. On est en sélection nationale, aucun poste n’est figé, personne n’est intouchable et tout le monde a sa chance. J’essaye d’être le plus performant possible sans me poser de questions, pour être récompensé.

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Au-delà de l’aspect sportif, quel rapport avez-vous avec la sélection ?

Je le sens quand je rentre à Paris voir ma famille, c’est une fierté pour mes deux parents qui sont nés au Congo, à Kinshasa, d’avoir leur fils en sélection nationale, franchement c’est un truc de fou. Mes cousins, mon petit frère, ma sœur, ils sont tellement heureux. Contre le Gabon, me voir sous ce maillot, elle en a pleuré. C’est une énorme fierté. Ça m’a permis de voir aussi pour la première fois mon grand-père, là-bas.

Finalement, c’est le football qui vous a aussi permis de découvrir le pays natal de vos parents ?

Oui, c’est ça. Après, j’ai toujours été attaché à la culture congolaise. Je parle le Lingala, puisque je l’entends depuis tout petit. J’ai cette culture congolaise, mais je n’avais jamais eu l’occasion d’y aller avant. J’ai commencé le foot en structure pro très tôt, du coup, on reprenait les saisons super tôt, on n’avait pas forcément la possibilité d’y aller et ma mère ne voulait pas qu’on y aille seuls car, avec les élections, c’était un peu chaud là-bas.

Du coup, oui, le foot m’a permis de découvrir mon pays d’origine. C’est l’une des plus belles choses qui me soient arrivées. C’est un pays incroyable. Quand j’y vais, je me sens bien. Même si je ne suis pas né là-bas, je ne me sens pas dépaysé. Même si ça peut être compliqué, qu’il y a, comme partout, de la pauvreté, je m’y sens bien.

Du coup, votre binationalité, vous la vivez d’autant mieux ou ça n’a rien changé ?

Non, ça n’a rien changé, car j’ai toujours été Congolais. J’écoutais la musique congolaise, je mangeais congolais… C’est juste que je n’avais pas eu la chance d’y aller avant. Quand je rentre en France, je suis galvanisé, je me dis qu’on a de la chance d’être là. Même si on se plaint parfois du froid ou de l’état du terrain, il y a beaucoup plus grave dans la vie, il y a des gens qui souffrent beaucoup plus que nous, je me rends compte qu’on a de la chance.

Même si vous vous êtes toujours senti Congolais, vous avez porté le maillot de la France chez les jeunes (de U16 à U18). Du coup, gamin, vous rêviez du maillot bleu ou de celui des Leopards ?

C’est particulier, car quand tu es né en France et que tu as grandi dans un cursus de centre de formation, surtout moi au PSG où on n’était pas loin, forcément, tu as grandi avec l’équipe de France à la télé. Donc tu imagines, comme tes aînés appelés en jeunes, puis appelés en A. Tu es obligé de rêver de l’équipe de France. J’ai fait pas mal de tournois, la coupe du monde, c’était cool. Mais quand tu es jeune, tu n’es pas assez mature pour prendre du recul par rapport à ça.

Vous ne regrettez pas, tout de même ?

Non, non, pas du tout. Je ne regrette rien dans ma carrière de footballeur. Tout ce qu’il s’est passé plus jeune, le PSG, Toulouse, l’équipe de France, ce sont des expériences. J’ai joué avec des joueurs maintenant au top niveau. Des Aymeric Laporte, Benjamin Mendy, Kurt Zouma… C’était une génération de dingue.

Pour revenir à Rodez, laisser le club pendant votre absence pour cette CAN, ça a été une question pour vous ou c’était limpide ?

Non, ça n’a pas été une question. Même avec le club, quand j’ai prolongé (en juin dernier jusqu’en 2025, voire 2026 si maintien en L2), durant les négociations, ça n’a pas été une question. Le sujet était sur la table. Le club m’a dit que les négociations se feraient en fonction de la CAN, car je ne serai pas là durant un mois. Du coup, j’ai compris totalement et je n’avais aucun souci avec ça.

Ça veut dire que vous avez minoré vos prétentions pour pouvoir jouer la CAN ?

C’est ça. Cela faisait partie des négociations. Et c’était totalement compréhensible, je n’en veux pas du tout au club à ce niveau-là et je suis très content d’avoir poursuivi l’aventure ici à Rodez. D’ailleurs, d’un côté, je suis dégoûté de laisser l’équipe car on a fait une super première partie de saison et ça donne envie d’aller chercher plus de choses avec ce groupe-là.

C’est ma 8e année à Rodez, on a toujours eu des groupes incroyables, mais c’est bien de voir que le club progresse aussi en même temps et qu’on a vraiment un groupe pour aller chercher quelque chose cette année. Du coup, j’espère que ça se passera bien pendant mon absence et que je pourrais revenir pour pouvoir aider l’équipe à aller chercher des choses.

Justement, vous qui êtes habitué à devoir batailler pour rester N°1, vous ne craignez pas de laisser votre place plusieurs semaines en club ? Est-ce clair avec Sébastien Cibois ce qu’il va se passer à votre retour ?

C’est l’histoire de ma carrière, comme celle du foot. Il faut être prêt à tout. Tu es performant, tu joues. Tu ne l’es pas, tu ne joues pas. Si Seb est ultra-performant pendant le mois où je ne suis pas là, avec quatre victoires en quatre matches et que le coach me dit : "Lionel, on va continuer avec Seb" ; ce sera comme ça, je travaillerais dans mon coin et j’essaierais de revenir pour aider l’équipe.

Donc non, je n’ai pas d’appréhension. Là, je suis sélectionné pour la CAN, je kiffe. Je vis au jour le jour. Il faut travailler tout le temps, même quand tu es N°1, travailler plus que tout le monde. Ça, je l’ai appris, et je l’apprends tous les jours, je sais que c’est comme ça que ça marche.

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