Pourquoi le foie gras frais se fera plus rare à la Saint-Sylvestre

Publié le
Centre Presse / Rachid Benarab

Si vous êtes un inconditionnel du foie gras frais entier, achetez-le maintenant ». C’est le conseil donné, il y a tout juste un mois, par Laurent Sémenzin.

Un conseil avisé et plein de bon sens de la part du patron du Manoir Alexandre, figurant parmi les premiers distributeurs de foie gras - environ 50 tonnes par an - du département. Interrogé, à ce moment-là, sur une éventuelle pénurie durant les fêtes de fin d’année, Laurent Sémenzin avait alors précisé : « En foie gras transformé et mi-cuit, j’aurai ce qu’il faut. Le problème, c’est le foie gras frais. Je ne dispose même pas de 50 % du volume habituel ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Laurent Sémenzin avait vu juste. Car, à quelques heures du réveillon de la Saint-Sylvestre, à moins de l’avoir réservé, ou de connaître un producteur, il semble assez difficile de se procurer du foie gras frais. Et ceux qui auront la chance d’en trouver devront faire face à une hausse de 15 à 30 % des tarifs par rapport à l’an dernier.

Pour certains, cette rareté serait la conséquence directe des deux vides sanitaires provoqués par les épisodes de grippe aviaire. Deux épidémies qui ont touché cette année la filière, notamment dans le Sud-Ouest et l’Aveyron.

Pour autant, si l’on se réfère aux déclarations de certains « petits » distributeurs du département, « la grippe aviaire n’est pas en cause. Tous les ans, à la même époque, c’est pareil. On vient à en manquer. Et cette année pas davantage que les autres ».

Laurent Sémezin tempère : « Le marché était déjà tendu avant la crise. Nous nous fournissons exclusivement auprès de producteurs vendéens et bretons, explique le chef d’entreprise aveyronnais. Or, cette année, ces territoires ont été épargnés par l’épidémie. Malgré tout, la production, au niveau national, a été très limitée. »

Pour certains observateurs de la filière palmipède, les motifs de cette baisse de production sont tout autres. « Certes, deux vides sanitaires, coup sur coup, cela n’a pas arrangé les choses, remarque un éleveur. » Néanmoins, « même si tout le pays avait été épargné par l’épidémie, la production de canards de cette année aurait été toute aussi moindre. »

La faute, notamment, aux mesures de prévention mises en place par le ministère de l’Agriculture pour répondre à la menace de contamination des élevages par l’Influenza aviaire. Une décision qui pénalise, en premier lieu, les éleveurs. Mais la baisse de production s’explique aussi par l’application, début 2016, de nouvelles normes européennes en matière de bien-être animal. Des nouvelles normes qui pénalisent cette fois les gaveurs et donc, par ricochet, toute la profession.

On le voit, les récents investissements, tant humains que matériels, couplés à une nouvelle façon de travailler, ont conduit la profession à opter pour la prudence en baissant le volume de production. « Une fois que tout le monde aura réalisé les investissements nécessaires (agrandissement des bâtiments, nouvelles cages, etc.) et retrouvé ses marques, alors la production repartira à la hausse », conclut, serein, un éleveur du Ségala.

Une production en baisse de 44 %

Le ministère de l’Agriculture a défini les niveaux de risque et les mesures de prévention à appliquer correspondantes. Ces dernières remettent en cause, dès le moindre risque, l’élevage des animaux en extérieur, jugé favorable aux contacts avec l’avifaune sauvage. De fait, à la moindre menace, la directive impose le confinement des canards. « Encore faut-il être équipé pour, remarque un éleveur. J’élève 3 000 canards à l’extérieur (ils rentrent et sortent). Si l’on m’impose la claustration, je ne dispose pas d’espace fermé suffisant pour le faire, tout en respectant les normes sanitaires (nombre de canards au mètre carré). Donc, pour ne pas risquer de perdre ma production en cas de menace, j’ai réduit à 2 000 le nombre de canards. »

Par ailleurs, depuis début 2016, de nouvelles normes européennes en matière de bien-être animal ont été décidées. « Cette fois, ce sont les gaveurs qui sont impactés par le remplacement de toutes leurs cages de gavage, explique Laurent Sémenzin. Avant, chaque canard disposait de sa cage individuelle. Maintenant, il y a 3 ou 4 canards par cage. Ils ont plus d’espace pour se mouvoir et vivre un peu mieux leur vie de canard d’élevage ». Mais ces nouvelles cages induisent aussi une nouvelle manière de travailler. Il faut tout réapprendre. La manipulation des bêtes, le gavage. Aussi, vu que les canards ont plus de place pour se mouvoir, ils se dépensent également davantage. Ce qui se traduit par une augmentation des rations de nourriture et donc des coûts de production.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?