Le rapport qui accable le bleu de brebis de Société

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  • José Bové soutient que le bleu de brebis ne peut être maintenu dans les rayons. José Bové soutient que le bleu de brebis ne peut être maintenu dans les rayons.
    José Bové soutient que le bleu de brebis ne peut être maintenu dans les rayons. V. G.
Publié le
Victor Guilloteau

José Bové a présenté à la presse, mercredi 24 avril, un document juridique qui dénonce la légalité du bleu de brebis de Société.

Le bleu de brebis commercialisé sous l’estampille Société depuis le début du mois d’avril continue d’agiter le milieu agricole et politique aveyronnais. Déjà extrêmement virulent à l’encontre de ce nouveau fromage au lait pasteurisé fabriqué à Rodez en dehors du cadre de la charte de l’AOP roquefort, le député européen José Bové en a remis une couche, mercredi matin.

Face à la presse, il a brandi le rapport de l’avocate de la Confédération générale de roquefort, saisie afin de se prononcer sur la légalité du fromage incriminé. L’atteinte à l’AOP et le risque de confusion pour le consommateur sont clairement pointés du doigt. Il est d’abord rappelé que l’Appellation d’origine, ou toute autre mention l’évoquant, ne peut être utilisée pour un produit similaire ou comparable. En l’espèce, pour la juriste qui signe le rapport, le fait que le bleu de brebis soit commercialisé "sous la marque Société et sous ce packaging, porte atteinte à la protection de l’AOP". "Il y a fraude, tranche, en citant les articles du Code de la consommation, José Bové, parti en guerre contre ce bleu. Juridiquement, les choses sont très claires au niveau européen et national."

"Le consommateur induit en erreur"

Par ailleurs, dénonce le rapport, la marque Société est liée à l’AOP roquefort dans l’esprit du consommateur. "De sorte qu’il existe un risque de confusion : l’ovale vert (présent sur le packaging du bleu de brebis, NDLR) évoque à lui seul le roquefort, insiste l’avocate. Le risque de confusion est encore renforcé par le fait qu’il s’agit d’un fromage bleu, visible au travers d’une fenêtre transparente et d’apparence visuelle similaire au roquefort."

Pour cette raison, le produit litigieux tel qu’il est présenté à la vente à ce jour, "avec la marque commerciale semi-figurative Société", est susceptible de constituer "un détournement ou un affaiblissement de l’AOP roquefort", signale le rapport. Un acte qui, s’il était avéré par une décision de justice, dérogerait au cadre civil de la protection des AOP. "Cette présentation est susceptible d’entraîner des sanctions pénales, insiste José Bové, en lisant le document. Le consommateur est induit en erreur. Il y a tromperie. Cette note juridique prouve pourquoi ce bleu déroge à tous les principes qui sont liés à la marque Société."

"Conflit d’intérêts"

Mais c’est aussi une question éthique que soulève le rapport d’avocat. "Société a mis sur le marché, sans aucune concertation ni information préalable, un produit qui porte atteinte à la notoriété du roquefort, accuse l’avocate au barreau de l’Aveyron, alors même que Société est le premier fabricant de roquefort AOP et préside la Confédération générale de roquefort, un an sur deux", et en l’occurrence à ce jour.

"Celui qui défend l’intérêt collectif ne devrait pas faire le choix de son intérêt individuel quand ce dernier porte atteinte à l’intérêt collectif", juge enfin le rapport, en parlant de "conflit d’intérêts". De quoi égratigner, au passage, la crédibilité de la Confédération générale de roquefort sur son système de gouvernance.

Christian Gentil : « S’il y en a un qui défend le territoire, c’est bien moi »

Joint hier par téléphone, le directeur général de Société rejette les accusations formulées dans le rapport juridique. Il indique aussi qu’il n’est pas prêt à faire marche arrière. « On ne peut être jugé par un avocat ou un homme politique. Comment José Bové s’arroge-t-il le droit de juger ? Ma démarche est claire depuis le départ. Je veux développer l’économie du Sud-Aveyron. Mon souhait est de retrouver de la croissance sur le roquefort. Je ne cherche pas à faire de la politique. Quand José Bové dit que le bleu, c’est de la merde, il fait du mal à toutes les personnes qui travaillent pour ce produit en Sud-Aveyron. On ne peut être jugé que par le consommateur. À ce titre, nous avons déjà des retours très positifs sur le bleu. Chacun doit reprendre raison. »
« Société est là pour construire. On ne peut juger une entreprise que sur ce qu’elle fait. Sur les dix dernières années, si on a fait une erreur, qu’on nous la signale. Si les choses devaient aller en justice, ce ne serait pas de mon initiative, mais de celle de José Bové et ses amis. Ce sont eux qui créent la polémique. La même que celle avec le Lou Pérac. Finalement, à l’époque, il ne s’est rien passé. Ils cherchent à perturber le Sud-Aveyron. C’est de la récupération politique. »
« Des arguments à opposer ? On en a à la pelle. Nous avons aussi des juristes. On verra lesquels ont raison. Mais Société est légitime pour porter ce produit. J’aimerais aussi rappeler qu’elle est la seule entreprise locale à faire de la publicité pour le Sud-Aveyron. On y investit plusieurs millions d’euros chaque année. S’il y en a un qui défend le territoire, c’est bien moi. Nous sommes dans notre bon droit. Ce que l’on fait est bon pour la filière. Je pense aux éleveurs et salariés qui ont besoin de travailler. Le roquefort est pour moi un produit inimitable. Quand je vois ses ventes baisser, ça me fait mal. J’ai besoin du roquefort, et je suis son premier défenseur. »

Vers une action en justice ?

Pour José Bové, la Confédération générale de roquefort (CGR)  n’a « pas d’autre choix » que d’attaquer en justice Société. La position de l’entreprise est « intenable », selon l’élu européen.
Le rapport, lui, indique bien les obligations et la responsabilité de la Confédération dans cette affaire. En sa qualité d’organisme de défense de l’AOP, « il lui appartient de veiller à faire appliquer et respecter les dispositions relatives à la protection de l’AOP ». La CGR la qualité « pour engager les actions civiles et pénales », rappelle l’avocate, qui précise également qu’il est possible que l’Inao somme prochainement la Confédération de prendre position sur la question. « Il appartient maintenant aux professionnels de statuer », conclut le document. Le conseil d’administration de la CGR, réuni mardi 7 mai à 14 h à son siège millavois, pourrait permettre d’y voir plus clair. José Bové invite producteurs, consommateurs et citoyens à venir y défendre l’AOP, « le cœur de ce pays ».

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