Ouverture d'un McDonald's à Espalion : est-il si difficile d'implanter un fast-food en Aveyron ?

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    L'enseigne a été inaugurée mardi. Centre Presse - Guilhem Richaud
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McDonald's vient d'ouvrir son septième restaurant en Aveyron. Pourtant, les opposants ont fait pas mal de bruit ces derniers mois.

C'est mardi soir que le McDonald's d'Espalion a été inauguré. Les premiers clients ont pu passer commande, avant la première journée d'activité complète ce mercredi. La création du lieu a fait couler beaucoup d'encre. Parce qu'ouvrir un fast-food en Aveyron, ce n'est pas simple. 

La situation n'est pas nouvelle. En 1999, le "démontage" du McDonald's de Millau avait placé la cité du gant sur la carte du monde, avant même que son viaduc ne la fasse rayonner. À l’époque, l'enseigne avait été prise par José Bové, la Confédération paysanne et les altermondialistes, comme un symbole pour répondre aux surtaxes américaines sur le roquefort et une réponse pour s'opposer à la "malbouffe" venue de l'autre côté de l'Atlantique. 

Le septième de l'Aveyron

Plus de 20 ans après, il est difficile de classer McDonald's comme une enseigne seulement américaine. Elle est implantée dans le monde entier, à peu près partout en France, et de plus en plus d'ailleurs dans de petites villes comme Espalion. Il y a désormais sept établissements en Aveyron (deux à Rodez, un à La Primaube, un à Millau, un à Villefranche, un à Decazeville et donc, depuis cette semaine, un à Espalion). 

Pour autant ce n'est pas toujours facile pour les enseignes de fast-foods de s'installer. Si pour les établissements du Ruthénois (les trois McDo et le Burger King ouvert cette année) et de l'Ouest-Aveyron, il n'y a pas vraiment eu de contestation, le projet d'Espalion a beaucoup fait réagir. Les opposants ont même créé un collectif, Pas de micmac à Espalion, et fait tourner une pétition qui a recueilli, en ligne et sur papier, plus d'un millier de signatures. Ils dénoncent notamment la "nourriture standardisée, industrielle et majoritairement importée d’ailleurs", la "malbouffe", "le gaspillage alimentaire", les conditions de travail et salariale...

Le maire y voit de l'emploi, des taxes et un élément d'attractivité

Depuis le lancement du projet, les opposants ont organisé plusieurs manifestations pour marquer leur mécontentement. Mais ils n'ont pas obtenu gain de cause. "C'est idéologique", souffle le maire d'Espalion, Eric Picard, qui voit en ce projet "l'exemple parfait de la volonté municipale de rajeunir le territoire". Et l'élu de noter que cette installation est porteuse d'emplois (40 pour le moment, 50 à terme pour entre 30 et 35 équivalents temps pleins), de taxes pour la communauté de communes et d'une nouvelle proposition d'offre qui peut compléter celle existant déjà sur le territoire qui peut permettre de retenir une population qui allait jusque-là dans les fast-foods de Rodez.

"Quand on a présenté le projet au conseil municipal, il y avait plusieurs positions, reconnaît-il. Les plus jeunes étaient favorables, ceux un peu plus âgés beaucoup moins. Et finalement, ce sont ceux qui sont grands-parents qui ont convaincu tout le monde. Ils nous ont dit que leurs petits-enfants voulaient toujours qu'ils les emmènent à Rodez, et qu'avoir une offre localement, ça pourrait permettre d'éviter cette fuite."

Burger King à l'arrêt à Millau, McDo refusé
à Saint-Affrique

Pour autant, d'autres projets de création de fast-foods ont suscité de sérieux débats en Aveyron. Le projet d'implantation d'un Burger King à Millau a réveillé les altermondialistes du Larzac et possiblement fait perdre l'élection municipale à Christophe Saint-Pierre en 2020. Un an et demi après, le projet est au point mort et Emmanuelle Gazel, la nouvelle élue, n'y est pas vraiment favorable, mais elle sait qu'elle aura du mal à contrer légalement un projet qui s'installe dans une parcelle privée.

À Saint-Affrique, le projet de création d'un McDonald's a aussi un temps été envisagé. L'enseigne avait pris attache auprès d'Alain Fauconnier lorsqu'il était maire. Celui-ci, convaincu qu'il ne pouvait pas refuser la création d'une cinquantaine de postes y était plutôt favorable. Son successeur, Sébastien David, lui s'est montré catégorique en début d'année : "Je n’ai reçu aucun représentant de McDo dans mon bureau et aucun McDo ne s’installera sur les terrains de la commune" a-t-il lancé à notre consœur de Médiapart.

D'autres ouvertures possibles dans les prochaines années

Pour autant, chez McDonald's, on ne pense pas que l'Aveyron est inaccessible. Bien au contraire. "On mène des études depuis 10 ans, qui nous montrent un intérêt de la clientèle dans les zones rurales, comme ici à Espalion, note Sébastien Bordas, vice-président de McDonald’s France responsable de tout le sud de la France et qui était sur l'Aubrac mercredi. Ici, ça faisait des années qu'on savait le potentiel du bassin économique et de la dynamique, même en zone rurale."

S'il ne veut pas donner de noms de villes pour le moment, il ne cache pas que d'autres projets pourraient voir le jour en Aveyron, dans des villes moyennes, dans les prochaines années. "Pour réussir, la recette est simple, assure-t-il. Il faut un lieu qui est prêt à nous accueillir, un chef d'entreprise prêt à investir à nos côtés et devenir franchisé et des élus intéressés par le dossier."

"Déconstruire beaucoup de préjugés"

Une recette que connaît bien José Gomes. C'est lui qui est responsable de la franchise espalionnaise et s'est lancé dans ce projet en investissant 1 M€ (McDonald's en a mis à peu près autant). Il n'en est pas à son coup d'essai. En effet, il maîtrise les codes de la maison sur le bout des doigts. Il a commencé comme équipier, à Poitiers, en travaillant les week-ends quand il était étudiant. Puis il a gravi les échelons, en passant par à peu près tous les postes dans divers restaurants du groupe. Enfin, il y a cinq ans, il est devenu franchisé en rachetant le McDo de Millau. 

"Il faut travailler à l'intégration locale, prévient-il. Et surtout communiquer. En disant les vérités on permet de déconstruire beaucoup de préjugés." Au premier rang de ceux-ci, l'enseigne, au discours bien rodé, met en avant l'utilisation de viande bovine de la zone Massif central, avec 130 exploitations concernées, dont certains Aveyronnais, mais aussi le prix garanti pour les éleveurs, "indexé sur le coût de production et la marge" et non sur le prix du marché, qui lui ferait payer la viande beaucoup moins chère. 

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