Disparition d'Émile : le mystère s'épaissit après 20 jours de recherches, les enquêteurs soumis à rude épreuve

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    Les recherches continuent de battre leur plein au Vernet. MAXPPP - Stephane DUCLET
Publié le , mis à jour
François Barrère

Après bientôt trois semaines d’investigations infructueuses, les gendarmes de la section de recherche de Marseille semblent peiner à privilégier une hypothèse, et sont soumis à une forte pression.

"C’est une phase psychologiquement très dure pour les enquêteurs. Je n’aimerais pas être à leur place." Près de trois semaines après la disparition du petit Émile, 2 ans, au Vernet, les gendarmes de la section de recherche de Marseille semblent toujours peiner à privilégier une hypothèse, faute d’avoir retrouvé la moindre trace de l’enfant. Depuis mardi 25 juillet 2023, les recherches ont repris sur le terrain, avec des drones et des chiens spécialisés dans la recherche de cadavres, tandis que d’autres investigations, moins visibles, se poursuivent.

Une phase active et une phase subjective

"Il y a toujours deux phases dans une enquête", explique le colonel Éric Emeraux, ancien patron de la section de recherche de Montpellier à Midi Libre. "La phase objective, pendant les 48 ou 72 heures après la disparition, où l’objectif est de tout draguer, de collecter le maximum d’informations, en ne fermant aucune hypothèse. Les enquêteurs travaillent en binôme et chacun a son rôle à jouer : les aspects numériques, financiers, les témoignages, les pas-de-porte, la téléphonie. Ensuite, tout le monde rentre au bercail, on a un énorme brainstorming, et c’est le départ de la phase subjective. Une cellule d’enquête, c’est un peu une usine à gaz, mais c’est aussi un être vivant : chacun expose son hypothèse, on les classifie, H1, H2, H3."

Face à cet enfant qui disparaît sans laisser de trace, les gendarmes travaillent sur la piste d’un accident, avec ou sans tiers impliqué, mais aussi sur un possible acte criminel, fortuit ou prémédité.

"Il s’agit d’un enfant et tout repose sur eux"

"Quand on n’a pas de point de départ, on avance à l’aveugle, et c’est très pénible. C’est sujet à énormément de questionnements", poursuit l’officier de gendarmerie, aujourd’hui retraité.

"Les enquêteurs ont une pression énorme, maintenant que les battues sont achevées, parce qu’il s’agit d’un enfant, et que tout repose sur eux, relève un commissaire de la police judiciaire spécialiste des enquêtes criminelles. Si on doit mener plusieurs axes d’enquête de front, on ne va pas non plus mettre tous les moyens sur tous les axes, on priorise, on répartit dans le temps." 

Les rapports avec la famille sont aussi une donnée clé. "Pour l’enquêteur, c’est parfois difficile de garder la tête froide, et de ne pas trop entrer en empathie avec la famille. Dans notre rôle, on doit vérifier avec un œil critique tout ce qui nous est fourni par les témoins. C’est une situation terrible : il y a un soutien à apporter à la famille, une relation nécessaire pour l’enquête et pour les proches de l’enfant, qui ont besoin de se rattacher à ceux qui s’occupent de retrouver leur enfant. Mais il faut aussi rester objectif, et être certain qu’on ne nous cache rien. Cela oblige parfois à être assez intrusif avec des gens qui sont en pleine détresse."

Le choix de la famille de rester en retrait

Autre difficulté : "La famille est destinataire d’informations, mais aussi de beaucoup de désinformation. Il y a tout un tas de charlatans qui les contactent et qui les polluent, des gens qui leur écrivent. Et eux aussi ont besoin de se rendre utiles."

Dans ce contexte, le choix fait par la famille de rester en retrait depuis la disparition d’Émile peut avoir plusieurs explications. "C’est peut-être simplement leur façon d’être, mais il se peut que ce silence soit le résultat de leurs échanges avec les enquêteurs", estime le policier.

"Ce n’est pas possible de se relâcher, ça nous touche trop"

Faute de résultat après trois semaines, peut-on céder au découragement ? "On peut avoir des hauts et des bas, mais de là à être découragé pour une disparition d’enfant, je ne l’ai jamais vu, détaille un enquêteur de la PJ. Avec un enfant de 2 ans, ce n’est pas possible de se relâcher, ça nous touche trop."

Même regard chez le colonel Emeraux : "Qu’on soit policier ou gendarme, on a aussi toujours le culte de la mission, ce truc qui tourne en arrière-plan et qui, psychologiquement, ne nous lâche pas." Même si, sur la durée, certains enquêteurs redoutent de se trouver face à une enquête sans réponse : "Ce sont des dossiers qui humainement tiennent énormément à cœur, même si, par moments, on a cette angoisse de se demander si ce n’est pas le dossier de notre carrière que l’on ne va pas réussir à élucider."

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