Disparition d'Emile, 2 ans, au Vernet : et si la clé du mystère se cachait dans les 1 600 téléphones ciblés par les gendarmes ?

Abonnés
  • Un travail de fourmi se poursuit pour les enquêteurs.
    Un travail de fourmi se poursuit pour les enquêteurs. Midi Libre - PIERRE SALIBA
Publié le , mis à jour
François Barrère

Parmi les nombreux outils qu'exploitent les enquêteurs chargés d'élucider la disparition du petit garçon de deux ans survenue le 8 juillet au Vernet, un petit village situé dans les Alpes-de-Haute-Provence, l'étude de la téléphonie pourrait être un atout décisif. Mais la tâche qui les attend est immense, explique une experte auprès de la cour d'appel de Montpellier.

"C'est un travail de fourmi." Lancés tous azimuts depuis le 8 juillet dans une enquête gigantesque pour retrouver le petit Emile, 2 ans, disparu au Vernet (Alpes-de-Haute-Provence) dans des circonstances toujours inconnues, les gendarmes disposent désormais de données précieuses, dans lesquelles se cache peut-être la clé de ce mystère.c

A lire aussi : Disparition d'Emile : une information judiciaire ouverte ce mardi, toutes les pistes restent envisagées

Un chiffre colossal pour un village de 125 habitants

Mardi 18 juillet, Rémy Avon, le procureur de la République de Dignes-les-Bains, a annoncé que les enquêteurs ont rassemblé "une masse considérable d'éléments collectés la semaine dernière, s'agissant notamment de près de 1 600 lignes téléphoniques ayant borné dans le secteur au moment de la disparition." 

A lire aussi : Disparition d'Emile, 2 ans : pourquoi les enquêteurs utilisent AnaCrim, le logiciel qui a permis de relancer l'affaire Grégory

Un chiffre colossal, pour un village qui ne compte que 125 habitants, même si la population augmente pendant les vacances. Et un outil précieux, qui pourrait d'avérer décisif, pour percer le mystère de la disparition de l'enfant. Car les téléphones sont aujourd'hui un axe clé des enquêtes criminelles, et pourraient aider à apporter une solution, si un tiers est impliqué dans la disparition de l'enfant.

Rendre lisible pour les enquêteurs et les juges d'instruction

"On ne va pas s'amuser à saisir les téléphones des 1 600 personnes qui sont passées au Vernet le jour de la disparition explique l'Héraultaise Corinne Hennin, expert en informatique et en téléphonie auprès de la cour d'appel de Montpellier.

A lire aussi : Disparition d'Emile, 2 ans : fin des opérations de ratissage, quelle tournure va prendre l'enquête à présent ?

"Mon travail est de rendre lisible aux enquêteurs et aux juges d'instruction ce qu'ils auraient du mal à comprendre pour des raisons techniques" précise-t-elle. Le principe est simple : "Votre téléphone, s'il n'est pas éteint ou en mode avion, est obligé de se connecter à une antenne relais. Lorsqu'ils communiquent avec une antenne, les téléphones envoient les données d'identification de la carte SIM de l'opérateur, et l'opérateur sait à qui appartient ce numéro."

Une antenne proche du domicile des grands-parents

Il faut donc identifier les relais que l'on capte au village : au Vernet, on trouve une antenne SFR et Bouygues près de la départementale 900, à quelques centaines de mètres de la maison des grands-parents d'Emile, d'où l'enfant a disparu.

Quatre autres sont localisées dans un rayon de cinq kilomètres, dans les villages du Bourguet, des Auberts, de Couloubroux et du Grand Puy. Une puissante antenne est située au sommet du Blayeul, un pic qui culmine à 2189 m, selon l'Agence nationale des fréquences.

A lire aussi : Disparition d'Emile : de fausses cagnottes ont été mises en ligne, attention aux arnaques

Jusqu'à 30 kilomètres de portée

"Plus on est dans une zone rurale, plus les antennes sont éloignées, avec des portées plus grandes. Le téléphone n'est pas toujours relié à l'antenne la plus proche : il essaie de choisir celle qu'il capte le mieux. Selon la topographie, il peut privilégier une antenne plus lointaine : certaines portent jusqu'à une trentaine de kilomètres."

Les gendarmes doivent donc raisonner sur une zone plus vaste que le seul village : "Ils ont forcément fait des relevés pour voir quelles antennes sont captées sur place." Autre difficulté : le Vernet est traversé par une route reliant Dignes à Barcelonnette, d'où le grand nombre de lignes identifiées.

Des réquisitions judiciaires aux opérateurs

"Il faut ensuite faire des réquisitions à chaque opérateur, pour identifier les propriétaires des téléphones. Ils sont assez réactifs, avec des pôles dédiés aux réquisitions judiciaires, cela ne doit pas prendre plus de quelques jours."

C'est à partir de là que les enquêteurs pourront avancer : "On peut voir si le profil d'une personne est connu de la justice ou pas, on peut aussi retracer des itinéraires, et contrôler des témoignages : si quelqu'un dit qu'il n'a pas bougé du village et que son téléphone s'est déplacé d'une antenne à l'autre, cela pose question. À l’inverse, un téléphone qui ne bouge pas peut avoir été laissé par une personne qui elle, a bougé. On ne peut pas savoir où la personne était. Tout ce qu'on sait, c'est qu'à ce moment-là, son téléphone captait l'antenne."

Un apport capital contre Nordahl Lelandais

La téléphonie s'était révélée capitale dans l'enquête sur la mort du caporal Arthur Noyer à Chambery, prouvant que son téléphone s'était déplacé en même temps que celui de Nordahl Lelandais, qui l'avait pris en stop, avant de le tuer.

Elle avait aussi permis d'éliminer cette piste dans la disparition de Lucas Tronche à Bagnols-sur-Cèze, le téléphone de l'ex maître-chien ne figurant pas dans la base téléphonique de la PJ.

"La téléphonie à elle seule ne suffit pas" conclut Corinne Hennin. "Elle peut donner des pistes, mais doit être recoupée avec d'autres données."

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?