"Je suis très reconnaissante envers la France" : l'Aveyron, une nouvelle vie pour les exilés ukrainiens

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  • Comme pour transmettre un message, drapeaux français et européens s’associent au bleu et jaune ukrainien.
    Comme pour transmettre un message, drapeaux français et européens s’associent au bleu et jaune ukrainien. Centre Presse - A. R.
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Mathieu Roualdès et Alexis Roux

Ce samedi 24 février, une cinquantaine de réfugiés ukrainiens se sont réunis à Rodez. Pour faire entendre leur voix et leur message, deux ans jour pour jour après l’invasion russe.

On les appelle "exilés", "déplacés", "réfugiés"… il y a deux ans, les premières bombes russes frappaient l’Ukraine. Depuis, des millions de femmes et enfants ont quitté le pays. En Aveyron, 521 ont été accueillis, dont 150 mineurs. Ils vivent à Decazeville, Rodez, Millau, Espalion…

À la recherche d’un emploi, d’un second souffle et en attendant, pourquoi pas, de retrouver un jour leurs terres. Ania, 41 ans, arrivée quelques jours après la guerre a accepté de témoigner, via une lettre, sur cet exil forcé. Elle vit aujourd’hui à Decazeville avec ses enfants.

Ania et ses deux enfants vivent à Decazeville

Comme 81 autres exilées, Ania est arrivée en mars 2022 dans l'Aveyron à bord d'un bus provenant de Pologne. Depuis, elle vit à Decazeville, aux côtés de ses deux enfants, et mène des études afin de trouver un emploi et de parler au mieux le français.
Comme 81 autres exilées, Ania est arrivée en mars 2022 dans l'Aveyron à bord d'un bus provenant de Pologne. Depuis, elle vit à Decazeville, aux côtés de ses deux enfants, et mène des études afin de trouver un emploi et de parler au mieux le français. Centre Presse Aveyron - Mathieu Roualdès

"Ce 24 février a changé nos vies pour toujours. Je me souviens encore de cet appel reçu, à l’aube, qui m’annonçait 'réveillez-vous, la guerre a commencé'. En quelques minutes, j’ai emballé toute ma vie d’avant dans un petit sac à dos. Je me souviens aussi des questions des enfants, se demandant pourquoi on pleurait… Je n’ai pu leur expliquer, leur dire qu’ils n’iraient plus à l’école, qu’ils ne joueraient plus avec leurs amis, qu’ils ne partiraient plus en vacances en bord de mer…

Ils ont laissé leur vie heureuse derrière eux, même si ce 24 février, on ne s’imaginait pas que c’était notre dernier jour à la maison. Et qu’on ne pourrait plus serrer papa dans les bras tous les matins. Pour moi, c’était aussi le dernier jour de travail. J’étais ingénieure. Puis, après plusieurs nuits chez ma mère, où l’on ne trouvait pas le sommeil en raison des raids aériens et des bombes qui détruisaient toutes nos vies, nos lieux où l’on aimait se regrouper, on a décidé de passer à autre chose. Et de partir.

Quand on a quitté le pays, je me souviendrai toujours de ces femmes enceintes, de ces hommes pleurer à l’heure de dire au revoir à leurs compagnes, leurs enfants… Je n’avais jamais vu autant d’hommes pleurer avant ce jour. Nous étions si heureux avant, avec plein de projets en tête, les mêmes que tout le monde… Puis, toute notre vie s’est retrouvée dans une petite valise. Direction la France après de nombreux jours sans savoir où l’on allait… D’emblée, nous avons été accueillis par de magnifiques gens. Mais comment leur offrir un sourire en retour ? Comment oublier qu’en quelques jours, nous avions tout perdu ?

Aujourd’hui, cela fait deux ans que nous sommes ici. Nous sommes heureuses de voir nos enfants en bonne santé et heureux. Nous faisons des efforts, apprenons et travaillons sur nous-mêmes pour nous intégrer le plus rapidement possible.

Je suis des cours de français, je réalise plusieurs stages, je m’ouvre à de nouvelles amitiés. Et comme toutes les filles ukrainiennes, on espère trouver un emploi. En Ukraine, j’ai beaucoup étudié, beaucoup travaillé. Je suis diplômée, j’ai été directrice d’un bureau de poste, j’ai une maîtrise en administration publique, je fus même employée en tant qu’ingénieure dans un centre de déminage. Tout ça, c’était avant. .. Il faut l’accepter comme on peut. Maintenant, j’ai l’intention d’apprendre la langue, de suivre une formation pour une nouvelle spécialité. Suivre un cours de photographie, car j’aime beaucoup la photographie. Je veux aussi consacrer beaucoup de temps au football. J’ai beaucoup de projets et je m’oriente petit à petit dans cette direction. Sans jamais oublier mon pays, l’Ukraine. La vie a décidé de me donner une seconde chance et m’a emmenée ici. Je suis très reconnaissante envers la France, envers tous ceux qui ont pu nous offrir de l’aide et qui continuent tous les jours à nous soutenir".

Yaroslav, l'air de Rodez pour oublier la guerre

Yaroslav, ici aux côtés de sa famille à Rodez en début d'année : une parenthèse dans un quotidien de guerre.
Yaroslav, ici aux côtés de sa famille à Rodez en début d'année : une parenthèse dans un quotidien de guerre. Centre Presse Aveyron - Mathieu Roualdès

Ce 24 février 2022, en pleine nuit, les premières bombes pleuvent sur l’Ukraine. La Russie lance son offensive, la guerre est déclarée. Vladimir Poutine évoque une opération militaire spéciale. Voilà deux ans qu’elle dure.

À l’époque, Yaroslav avait 22 ans, une vie remplie dans la capitale Kiev. Il était serveur, rêvait d’un travail dans l’informatique, de rencontrer une compagne, de voyager… Tout cela s’est envolé cette nuit-là. Quelques heures après les premières bombes, à 5 heures du matin, Yaroslav se retrouve dans la rue, avec quelques amis. Les hommes sont appelés sur le front, il se retrouve dans une caserne militaire.

"On nous a volé notre jeunesse", confie-t-il aujourd’hui. En ce début d’année, après 24 mois de guerre, il a eu droit à sa première permission, de deux semaines. Direction Rodez où sa famille l’attend : Alena sa tante, Karina sa cousine. À leurs côtés, il a accepté de témoigner sur sa nouvelle vie au front. Il a souhaité aussi "remercier la France" pour l’aide octroyée à son pays et rappeler qu’il manque encore aux combattants ukrainiens "de nombreuses armes" pour se défendre.

Lui, se souvient encore qu’on lui en a mis une entre les mains pour la première fois en ce mois de février 2022. Il n’en avait jamais vu, jamais touché. En quelques mois, il est devenu commandant d’artillerie, à la tête d’une compagnie d’une dizaine d’hommes qui, au fil des avancées russes, se déplacent pour mener la contre-offensive. Boutcha, désormais tristement célèbre pour le massacre de l’an passé, Kharkiv, le Donbass, Kiev aussi… "Je suis confronté à la mort tous les jours, ce n’est pas simple. Mais je crois en notre pays, jamais je ne baisserai les armes !", lance Yaroslav, qui ne cache pas être marqué mentalement par cette nouvelle vie au front. Et espère revenir "au plus vite" à Rodez. "Si Poutine meurt, ça s’arrêtera peut-être", se veut-il optimiste…

Rassemblement à Rodez ce week-end

"Les Ukrainiens se réveillent chaque matin en disant “on va gagner !”" Deux ans jour pour jour après l’invasion russe en Ukraine, dix ans après l’annexion de la Crimée… l’espoir ne faiblit pas pour Natalia Atamanchuk. Voici vingt ans qu’elle a quitté son pays pour l’Aveyron et en cette date symbolique du 24 février, comme nombre de ses compatriotes, elle était présente place d’Armes à Rodez, pour rappeler le sort dans lequel est plongée sa patrie. "Rien n’a changé ! Des gens, dont de nombreux civils, meurent tous les jours depuis deux ans, c’est inconcevable de voir ça au XXIe siècle", s’émeut Tatiana Raynal, présente depuis 26 ans en terre rouergate.

"On tient à remercier l’accueil dont on a bénéficié"

Pourtant, si 2 855 km séparent Rodez de Kiev, le cœur y est, et le lien avec les familles, toujours présentes au pays, ne s’est jamais coupé. Un sentiment également renforcé par l’arrivée de 68 000 réfugiés en France, qu’il a fallu accompagner. "On tient à remercier l’accueil dont on a bénéficié ici. Il y a eu beaucoup de solidarité et de compassion", livre Mariana Rodnianska, arrivée peu après l’invasion à Decazeville, où elle a fondé l’association Dzyga, visant à aider la communauté ukrainienne présente sur le territoire.

Alors, ce moment de recueillement était plus qu’important pour ces mères de famille et leurs enfants. "Il ne faut pas que les Français oublient ce qu’il se passe dans notre pays, l’Ukraine mérite de rester vivante !", déclarent les trois femmes à l’unisson. Car si faire preuve d’optimisme est un carburant, l’effroi de la guerre pèse dans les têtes. "C’est dur moralement, surtout pour les personnes qui vivent encore là-bas. Il y a quand même un fort sentiment de patriotisme, mais les gens vivent dans la peur constante", reconnaît Tatiana Raynal, en lien direct avec le "grenier à blé de l’Europe", de par sa profession au sein de la RAGT.

Malgré ça, les Ukrainiens pensent à la suite. "On imagine ce à quoi ressemblera notre pays, sa reconstruction... Il faut aller de l’avant et garder l’espoir !", martèle Mariana Rodnianska, alors qu’il y a peu, la Russie a pris la ville "forteresse" d’Avdiïvka...

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Les commentaires (1)
Anonyme13070 Il y a 2 mois Le 26/02/2024 à 11:45

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