Colère des agriculteurs : le blocage des autoroutes s'intensifie, plusieurs axes d'Occitanie impactés, menaces sur le Salon de l'agriculture, le conflit se tend

Publié le , mis à jour

Les agriculteurs sont en colère et ils le font savoir depuis le 18 janvier en multipliant les points de blocages sur plusieurs autoroutes centrales de France, essentiellement dans le Sud de la France et en Occitanie.

C’est une colère sourde, dont les premiers échos ont résonné à bas bruit en fin de semaine dernière, mais qui, depuis le 19 janvier s’amplifie rapidement. Un mouvement qui trouve son point d'origine en Occitanie, à Carbone, en Haute-Garonne, au sud de Toulouse. 

Inflation, carburants, revenus, normes européennes parmi les doléances

Les agriculteurs en colère n’ont pas observé de trêve dominicale. Ce dimanche 21 janvier 2024, les opérations de blocage se sont poursuivies. Les agriculteurs dénoncent de nombreuses inquiétudes, liées tant à l’inflation, au prix de l’énergie et des carburants, aux normes européennes, aux besoins en eau, aux revenus insuffisants Un cocktail devenu explosif pour le gouvernement, à un peu plus de quatre mois des élections européennes.

Thierry Coste, lobbyste : "Depuis 30 ans, on marche sur la tête"

Lobbyiste, conseiller chasse d’Emmanuel Macron, spécialiste de la ruralité : le regard de Thierry Coste sur ce mouvement des agriculteurs.

Avez-vous vu venir ce mouvement ?

Oui. À l’étranger, en Allemagne et aux Pays-Bas notamment, et aujourd’hui en France. L’Europe veut s’occuper du quotidien de tout le monde, agriculteurs compris. Qui en ont parfois profité, avec la PAC (la politique agricole commune, NDLR). Mais en même temps, a été instauré un système qui est l’exact contraire de ce que veulent les agriculteurs. Ils le disent dans les manifestations : ils veulent vivre de leur travail. Depuis trente ans, et avec des syndicats qui ont souvent fermé les yeux, on a instauré un système où l’argent de l’Europe et de la PAC fournit le revenu des agriculteurs, on accompagne en permanence le revenu des agriculteurs par des subventions. On marche sur la tête.

Un mode de fonctionnement aujourd’hui dépassé ?

Ce n’est pas ce qu’il faut faire. D’abord parce que les fonds européens ne sont pas illimités. D’autre part, ça permet de justifier de mettre en place des normes environnementales encore plus importantes. C’est le secteur économique le plus impacté et on aide les gros plutôt que les petits. On va dans le mur.

Ces normes sont dans le viseur des manifestants…

Elles sont complètement contradictoires ! Quand on impose des normes qui deviennent insupportables, on empêche les gens d’avoir des revenus, de la trésorerie. Avec un État qui passe son temps à contrôler, alors qu’il devrait accompagner. Et l’Union européenne qui veut continuer d’élargir ses frontières ? Le premier impact sera pour le monde agricole ! Quand l’UE signe des accords avec des pays d’Amérique latine, centrale ou le Canada, les premiers impactés sont les agriculteurs, avec une concurrence qui devient déloyale. Et si demain on élargit à l’Ukraine, on fait comment ?

Ce mouvement traduit-ilune inquiétude plus sourde, qui monte de la ruralité en général ?

Bien sûr ! Ça traduit la colère des gens qui travaillent. Comme au début des “gilets jaunes”. Les agriculteurs ne demandent pas à travailler moins, ils veulent dégager un revenu suffisant. Regardez la manifestation de Narbonne, c’était celle des viticulteurs, mais aussi des ruraux. C’était la première fois. Et la manifestation de Montpellier, elle était agricole, bien sûr, avec les éleveurs de taureaux, mais c’était aussi la manifestation des gens qui travaillent dans les campagnes.

Recueilli par Vincent Coste
 

A64, A62, A9, les blocages continuent ce 22 janvier

Ce lundi 22 janvier 2024, les blocages se poursuivent sur plusieurs autoroutes du Sud de la France. Comme le rapporte La Dépêche du Midi, c'est le cinquième jour que l'autoroute A64 entre Toulouse et Bayonne est coupée à la circulation. 

Même scénario sur l'A62 qui relie Toulouse à Bordeaux est coupée à hauteur de Castelsarrasin. 

Dans le Tarn-et-Garonne, l'accès à la centre nucléaire de Golfech est bloqué depuis ce lundi matin. 

Sur l'A9, les agriculteurs des Pyrénées-Orientales ont décidé de rejoindre le mouvement de gronde. Ils bloquent l'accès à l'autoroute qui relie l'Espagne, selon nos confrères de L'Indépendant.

Premier test pour Gabriel Attal

Ce lundi, le Premier ministre Gabriel Attal va tenter de désamorcer la situation en reçevant les puissants syndicats FNSEA et Jeunes agriculteurs à Matignon. C'est pour le jeune nommé le premier test. La rencontre est prévue à 18 h.

D'autres actions prévues cette semaine

La FDSEA du Gard annonce ce lundi sur les réseaux sociaux rejoindre la fronde. Ce vendredi 26 janvier, les agriculteurs envisagent de bloquer l'A9 après s'être rejoints devant la chambre d'agriculture du Gard dès 7 h 30.

Ce mardi 23 janvier, l'A68 et la rocade d'Albi va subir des perturbations annonce aussi la FDSEA et les JA du Tarn. Il n'est pas exclu, en fonction de l'avancée des discussions et des négocations, que la colère s'étende à d'autres départements. En France, la profession est aussi échaudée par les reports successifs du projet de loi sur l'agriculture, promis il y a plus d'un an par Emmanuel Macron et finalement moins ambitieux que la "loi d'orientation agricole" initialement annoncée.

Les manifestations n'ont pas encore gagné l'Aveyron mais cela n'est pas à exclure.

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA : "Nous voulons des lignes claires"

Le président de la FNSEA sera reçu, ce lundi, par le Premier ministre, Gabriel Attal. Avant sa rencontre, Arnaud Rousseau fait part de ses attentes.

Qu’attendez-vous de votre rencontre avec le Premier ministre ?

J’attends qu’il entende le cadre dans lequel cette crise s’ouvre, je ne crois pas qu’il soit très spécialiste des questions agricoles. Je souhaite lui dire la réalité de la situation de l’agriculture. Je vais bien sûr lui demander qu’un certain nombre de sujets majeurs, européens et français, soient mis sur la table, pour que des solutions soient apportées.

Quels sont ces sujets ?

Il y a trois problématiques : la reconnaissance et la dignité du monde agricole, les revenus et la compétitivité du monde agricole, l’exercice du métier d’agriculteur, avec un point précis sur ce qui entrave et désespère les agriculteurs depuis trop d’années.

Sur le court terme, quelle mesure doit annoncer Gabriel Attal ?

La colère qui s’exprime, c’est le verre qui déborde. Nous n’attendons pas une seule mesure symbolique, il y a un chapelet de mesures sur lesquelles on attend le gouvernement. Je pourrais vous parler de simplification, de contraintes, de normes, de fiscalité, des indemnisations que l’on attend toujours dans certains secteurs, dont on nous parle et qui n’arrivent jamais. On n’est plus au stade de l’emblème, on est dans le trop-plein. Lorsqu’il y a un trop-plein, il faut purger tous les sujets.

Les sujets sont en grande partie européens.

Absolument, ils sont européens et à moyen terme. Nous entendons bien qu’ils soient traités avant le Salon de l’agriculture, qui approche. Marc Fesneau nous dit : “J’essaye, je n’y arrive pas”. Je ne suis pas d’accord avec cela, ce n’est pas tenable. Il faut avancer maintenant, le président de la République doit aller à Bruxelles et taper du poing sur la table pour dire que ce n’est pas tenable de faire 4 % de jachères, répéter que ce n’est pas tenable de surinterpréter toutes les directives liées aux zones humides, que ce n’est pas tenable d’écraser les agriculteurs de réglementations injustes, je pourrais multiplier les exemples. Nous voulons des réponses, des lignes claires, avec l’échéance du Salon de l’agriculture.

Votre rencontre avec le Premier ministre peut-elle faire évoluer la situation ?

N’imaginez pas que la colère va retomber parce que je rencontre à sa demande le Premier ministre. C’est le terrain qui commande, le terrain gronde, le mal est profond.

Recueilli par Olivier Biscaye

Dimanche, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a annoncé un nouveau délai concernant le projet de loi sur l'agriculture. Le texte, qui devait être présenté ce mercredi 24 janvier en Conseil des ministres, ne le sera que dans "quelques semaines" avec pour objectif d'être débattu au Parlement "au premier semestre 2024".

Le projet de loi que doit présenter le gouvernement "entend favoriser le renouvellement des générations en agriculture, une nécessité à l'heure où la population des près de 500 000 chefs d'exploitation vieillit. Il sera complété pour permettre une "simplification" du mille-feuille de réglementations imposées à la profession", a promis dimanche Marc Fesneau. "Une simplification drastique des normes" est nécessaire, a abondé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire sur TF1.

"Le plus tôt sera le mieux. (...) Nous, on a très envie de parler de compétitivité", répond Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA ce lundi matin.

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Les commentaires (1)
Milsabords Il y a 3 mois Le 22/01/2024 à 14:51

Ça va s'arranger, Février arrive , là il n'y aura que 29 jours pour se plaindre... Quand au Salon, il ne risque pas grand chose, l'occasion est trop belle de monter faire la fête à la capitale où là, curieusement, les problèmes de gros sous sont vite oubliés ...