"Une salle qui a déjà accueilli beaucoup de pleurs" : la plume de Léo Couffin, un Aveyronnais au cœur du procès des attentats de Trèbes et Carcassonne

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    "La dignité des parties civiles m’a beaucoup marqué". La Dépêche du Midi - Martin Boissereau
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Jennifer Franco

Le Villefranchois âgé de 26 ans, journaliste dans l’Aude à l’Indépendant, a vécu pendant cinq semaines dans l’intimité de la cour spéciale de justice de Paris. Avec sa plume aveyronnaise, il a dépeint les coulisses d’un procès hors normes.

L’Aveyron l’a vu naître il y a maintenant vingt-six ans. Lui, l’enfant de Villefranche-de-Rouergue, ne manque d’ailleurs pas une occasion de revenir se ressourcer dans son département natal qu’il garde chevillé au cœur et l’âme, auprès de sa famille. Tout comme la profession de journaliste qu’il a, à son tour embrassée, suivant les traces de son papa, Jean-Paul Couffin, journaliste à La Dépêche du Midi à la retraite.

"Je suis très famille et très attaché à l'Aveyron"

"Je suis très famille et je suis très attaché à l’Aveyron. C’est là où j’ai encore pas mal de mes amis. C’est le point de rassemblement quand les uns et les autres sont en vacances." Léo, 26 ans, a grandi dans un petit village qui s’appelle La Fouillade. "J’y ai passé ma scolarité jusqu’à la fin du collège avant d’intégrer le lycée de Villefranche." Son bac en poche, il intègre l’IUT de Rodez deux ans durant où il décroche un DUT Information et Communication. Nous sommes en 2018.

Une expérience unique

La semaine dernière, c’est d’ailleurs en Aveyron que Léo est venu recharger les batteries et se reposer auprès des siens, après un mois intense passé à Paris. Journaliste rédacteur à la locale de Carcassonne pour L’Indépendant depuis septembre 2023, "je suis d’abord passé par Narbonne", après avoir fait ses armes à La Dépêche du Midi en Ariège puis à Actu.fr.

Aux côtés de sa consœur Océane Laparade, 32 ans, aujourd’hui rédactrice à l’agence de Perpignan, en poste à Carcassonne au moment du drame, et de Christophe Parra, 49 ans, reporter dans l’Aude depuis vingt-quatre ans, Léo a vécu une expérience unique.

Tous les trois, envoyés spéciaux, pour couvrir le procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, perpétrés en 2018. Quatre personnes innocentes sont tuées. Une cinquième, le terroriste Radouane Lakdim, est abattue lors de l’assaut du GIGN. "C’est une affaire qui a duré cinq semaines. En cinq semaines, il se passe beaucoup de choses. En tant que journaliste, on a l’habitude de couvrir des sessions de cours d’assises qui durent d’une à deux semaines. Là, cela prend une tout autre ampleur."

"Que des magistrats professionnels"

Et pour cause, comme pour l’attentat du Bataclan, celui de la Promenade des Anglais à Nice ou encore celui du marché de Noël de Strasbourg en ce moment même, les affaires terroristes sont jugées dans une cour spéciale. Comme tous les grands procès, par exemple, la très médiatique affaire du Médiator. "Elle est uniquement composée de magistrats professionnels. Il n’y a pas de jury populaire. C’est assez impressionnant. Ce sont des magistrats qui connaissent très bien le terrorisme. Laurent Raviot, le président de la cour, maîtrisait déjà très bien l’exercice", décrit Léo.

"C’est une salle qui est posée au milieu de la salle des pas perdus au sein de l’ancien palais de justice de Paris, servant de cour d’appel aujourd’hui. C’est la salle des grands procès qui a été créée pour celui des attentats du 13 novembre. C’est la première chose à laquelle j’ai pensé quand j’y suis rentré pour la première fois, à savoir que c’était une salle très récente mais qui avait déjà accueilli beaucoup de pleurs."

"Le témoignage de Julie, c’était très fort"

Durant cinq semaines, Léo, Océane et Christophe ont assisté à chacune des vingt-cinq journées d’audience. "La première semaine a été assez dense et difficile parce que nous sommes d’abord revenus sur les faits et les parties civiles qui se sont exprimées à la barre. Les familles de victimes qui ont été tuées et celles de ceux qui ont survécu. Il y avait beaucoup de dignité dans leurs témoignages. C’était un moment très fort qui s’est prolongé jusqu’au début de la semaine suivante." Chacun, chacune, avec ses mots, ses maux, ont essayé de revenir sur l’indescriptible.

"Beaucoup de dignité chez les parties civiles"

"Certaines personnes nous ont confié que parler devant tout le monde les avait un peu libérées d’un poids." Puis, très vite, on "bascule à une autre étape du procès avec les accusés et le récit de ce 23 mars 2018." Un procès sans le terroriste. "Il a été tué dans le Super U de Trèbes. On plonge dans un autre procès avec des accusés rattachés de manière différente à Radouane Lakdim. "Des délinquants de droit commun et des personnes radicalisées au moment des faits. On bascule sur un registre tout aussi intéressant, au cœur de l’enquête, on les entend parler, s’expliquer. Il y a eu aussi la famille du terroriste qui est venue. Mais, au final, tout est allé très vite, puisqu’on s’est retrouvés aux plaidoiries avec certaines plus marquantes que d’autres, aussi bien chez les parties civiles que du côté de la défense."

"Un président qui a pris le temps de ne rien laisser au hasard"

Autre temps d’un procès hors normes, le témoignage des salariés du Super U. "Ils sont très marqués. Ils ont vécu quelque chose de très dur. Cela leur a fait du bien de libérer la parole." Dont celui de Julie, cette caissière prise en otage, que le gendarme Arnaud Beltrame tombé sous les coups du terroriste, avec qui il a échangé sa place. "C’était très fort. On a entendu un audio au moment où elle est prise en otage. Il y a un sang-froid qu’elle a gardé tout au long lorsqu’elle appelle le 17. Elle est très calme et elle a gardé cela à la barre. Elle a parlé aussi de sa reconstruction qui a été très difficile. Il a duré deux heures. On a eu un président qui a pris le temps de ne rien laisser au hasard."

Le 23 février, le verdict tombe. Les sept accusés sont condamnés à des peines allant de 1 an à 5 ans de prison, des peines inférieures à celles de l’accusation. "Pour les parties civiles, cela a été difficile à entendre…", conclut Léo, résumant un "procès hors normes pour l’Aude".

L’interview a été réalisée le 26 février. Entre-temps, le parquet général a décidé de faire appel du verdict.
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