Procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne : "On vous dit qu'elle est fichée S et vous ne creusez pas plus ?", l'ex-petite amie du terroriste à la barre

  • Marine Pequignot, l'ancienne petite amie du terroriste Radouane Lakdim, s'est exprimée à la barre mardi 13 février 2024.
    Marine Pequignot, l'ancienne petite amie du terroriste Radouane Lakdim, s'est exprimée à la barre mardi 13 février 2024. L'Indépendant
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Au cours de ce 17e jour de procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne, l'ancienne petite amie du terroriste s'est longuement exprimée devant la cour.

Elle rencontre le terroriste en voulant acheter du cannabis

L'une des sept accusées, Marine Pequignot, l'ancienne petite amie du terroriste, était au cœur de ce 17e jour de procès, mardi 13 février 2024. Après le témoignage d'anciens amis, de sa famille, de psychologues et de forces de l'ordre lundi, la jeune femme s'est directement exprimée à la barre.

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Son rapport à l'islam a rapidement été abordé, rapportent nos confrères de L'Indépendant : "L'idée d'un dieu me réconfortait. Il y a eu deux facteurs, Lakdim et l'aspect communautaire sur les réseaux sociaux et le côté cadre", a déclaré Marine, après avoir avoué que ses parents lui avaient "tout apporté sur le plan matériel" mais estimant qu'elle avait "pu manquer un peu" sur le plan affectif.

Avant de se pencher sur l'islam, Marine s'était intéressée aux témoins de Jehovah. Puis le terroriste est rentré dans sa vie quand elle avait 14 ans. "J'étais sortie sur l'aire de jeu pour enfants à Ozanam. Je voulais acheter du cannabis. Il est arrivé il a crié beuh ou shit, donc je suis allée le voir pour lui acheter du shit. Et voilà c'est comme ça qu'on s'est rencontré. On est sorti ensemble dans la soirée".

Marine parle du terroriste comme de "la première personne masculine que je rencontrais. ça m'a impressionnée. Il avait un côté protecteur, rassurant". Elle a vu Radouane "presque tous les jours" pendant deux ans. Elle a eu ses premiers rapports sexuels avec lui "au bout d'un an".

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Le changement de comportement de Radouane Lakdim

"Quand je le rencontre, pour moi il était gentil, protecteur, il me donnait des bons conseils dans la religion. En 2016, je sens qu'il est plus dur, mais aussi plus distant de moi. Alors qu'on se voyait presque tous les jours, d'un coup on se voit que toutes les deux semaines ou tous les mois. Je m'adaptais à ça", a témoigné Marine.

Marine a commencé à recevoir des vidéos, envoyée par Radouane, sur ce qu'il se passait en Syrie, via les réseaux sociaux. "Je faisais partie d'un groupe où tous les vendredis on devait s'envoyer des rappels religieux". Interrogée sur les attentats de 2015 : "Je pensais que c'était justifié à ce moment-là. On me disait tout le temps, 'regarde ce qu'on fait à tes frères et sœurs en Syrie, si tu veux être une bonne musulmane tu dois pas parler aux mécréants'".

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Alors que Radouane Lakdim parlait de plus en plus souvent de partir en Syrie, le projet d'y amener Marine a été évoqué. "Oui il en a parlé. Mais j'aime ma famille, j'aurais voulu le faire mais j'aurais pas pu le faire". Radouane disait "qu'on serait mieux en Syrie pour pratiquer la religion. Il me disait pas pourquoi exactement". Marine déclare qu'il "n'y a jamais eu de projet concret. Je pouvais laisser croire que j'allais le faire mais je n'ai jamais regardé de trajet ni de billet d'avion".

Elle témoigne aussi de l'obsession des armes chez Radouane Lakdim, et du fait qu'il n'aimait pas les forces de l'ordre. Marine était tombée sur deux fusils, plusieurs machettes et un pistolet chez Radouane.

Marine a avoué qu'elle ne savait pas à l'époque que Radouane Lakdim voyait d'autres filles.

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"Votre ordinateur, c'est l'un des pires dans les dossiers terrorisme depuis 2015"

La cour s'est intéressée aux discussions qu'entretenait Marine avec des personnes en Syrie, via l'application Telegram. Elle évoque un homme : "D'abord il y avait des échanges de drague et il voulait que je vienne en Syrie. C'est lui qui prend contact avec moi sur Facebook. Il voulait se marier avec moi. Il avait un discours radical. Il me disait qu'il était dans un groupe en Syrie mais il me disait pas ce qu'il faisait là-bas".

Les échanges sont détaillés par la cour. Marine a demandé si elle pourrait combattre si elle venait en Syrie, si elle pourrait apprendre à "monter et démonter une arme". Les échanges s'arrêtent quand l'homme annonce qu'il est déjà marié, mais qu'il veut quand même épouser Marine. "J'ai très honte parce que j'aurais jamais fait ça, je faisais la maligne. Je pense que je recopiais les autres".

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Une autre conversation a eu lieu avec une fille de 14 ans. "On s'était rencontré sur une application. Elle m'avait dit qu'elle voulait aller en Syrie mais qu'elle pouvait pas parce que son oncle était policier et qu'elle s'est fait arrêter".

Les avocats des parties civiles se sont interrogés sur la radicalisation de Marine. "Votre ordinateur, c'est l'un des pires dans les dossiers terrorisme qu'on a depuis 2015. Pourquoi vous criez trois fois Allah Akbar quand on vous interpelle ? Vous dites que c'est par provocation. Est-ce que ce n'est pas plutôt par exaltation ? Est-ce que, à l'époque, ça ne vous a pas fait un peu plaisir ?"

L'accusée présente ses excuses

Marine Pequignot a présenté ses excuses pour la première fois aux familles des victimes. "À l’époque je ne pensais qu'à Lakdim. Je ne suis plus la même personne qu'à 18 ans. J'ai eu des suivis psy et ça m'a permis de prendre conscience de la gravité des propos que j'ai eus. Aujourd'hui j'en ai très honte".

En pleurs, elle a déclaré : "Je regrette d'avoir été endoctrinée, radicalisée, d'avoir voulu partir en Syrie et de ne pas avoir fait le lien avec ce qu'il disait et ce qu'il allait faire". 

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"Elle était coquette, en robe, en jupe, comment j'aurais pu voir ?"

Après le père de Marine Pequignot, c'est sa sœur qui a été entendue ce mardi. "Elle est attentionnée, elle veut aider les autres. Elle aime la vie, elle est joviale, pétillante", a-t-elle témoigné, parlant d'une "famille très unie et solidaire". La sœur de Marine Pequignot dit n'avoir vu "aucune forme de violence ni de radicalisation" : "j'ai pu la voir faire la prière mais aussitôt finie, elle était déjà apprêtée pour sortir". 

La sœur n'a jamais rencontré Radouane Lakdim. Elle déclare avoir compris tard qu'il "s'est fichu d'elle", "je vois qu'elle s'est fait endoctriner (...), si elle a pu avoir des discours comme ça, c'est qu'elle était endoctrinée, c'est lui qui lui a retourné le cerveau". 

Le jour de l'interpellation de Marine Pequignot à son domicile, à la suite des attentats de Trèbes et de Carcassonne, sa sœur était avec elle. "On était dans ma chambre on allait pour fumer une cigarette à la fenêtre, j'entends un gros boum, je vois une vingtaine de policiers qui m'ont dit de pas bouger, et d'appeler ma sœur. J'ai levé les mains, ma sœur est venue aussi, elle a reculé". Marine a crié Allah Akbar à trois reprises.

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Elle raconte cette journée choquante : "Quand j'ai entendu à la radio qu'il y avait un attentat j'étais loin d'imaginer que c'était le copain de Marine. J'étais sous le choc, je comprenais pas ce qui se passait. Je crois que c'est plus moi qui me faisais entendre que ma sœur. Il est 18 heures, toutes les lumières sont allumées, il y a les scientifiques en train de prendre les empreintes, et moi je disais vous pouvez pas éteindre les lumières, l'électricité ça coûte cher".

La sœur de Marine raconte que cet événement a profondément meurtri la vie de famille, que son père a souffert d'un AVC. Elle réalise avec le recul pourquoi sa sœur a été interpellée. "Avec le recul je me dis que j'ai été idiote de pas en demander plus à Marine. J'ai pas vu de violence, de radicalisation. Elle était coquette, en robe, en jupe, comment j'aurais pu voir ?- (...) Je m'en veux et je m'en voudrais toute ma vie. Je suis la plus proche et je n'ai rien vu".

Une version que les avocats des parties civiles ont eu du mal à croire. "Comment elle a pu passer sous vos radars à tous. On vous dit qu'elle est fichée S et vous ne creusez pas plus ?".

Une "pulsion affective" ?

Un aumônier de culte musulman, qui a discuté avec Marine Pequignot lors de sa détention, s'est exprimé à la barre. Il dit que Marine lui a écrit pour dire qu'elle n'était plus musulmane.

"Elle avait une carence en connaissance religieuse. Elle savait peu, et le peu qu'elle savait n'était pas très riche. Je ne sais pas pourquoi elle a choisi de ne plus être musulmane et elle avait demandé à changer ses horaires de promenade pour ne pas être en contact avec les détenues à caractère terroriste".

L'aumônier pense que la radicalisation de Marine était liée à "une pulsion affective pour la personne aimée", ainsi qu'à son très jeune âge (Marine avec 14 ans quand elle a connu Radouane Lakdim en 2014, le terroriste en avait 22).

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