Interview. "Notre rôle, c'est de gagner par la grève", les syndicats restent déterminés avant l'acte 10 contre la réforme des retraites

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  • Prise de parole de David Gistau, aux côtés de l'intersyndicale aveyronnaise, lors de la manifestation du 31 janvier.
    Prise de parole de David Gistau, aux côtés de l'intersyndicale aveyronnaise, lors de la manifestation du 31 janvier. Centre Presse Aveyron - N .D.
Publié le , mis à jour

De mémoire de militant, le représentant CGT David Gistau n'a pas connu de mobilisation plus massive en Aveyron que celle contre la réforme des retraites. Retour sur plus de deux mois de mobilisation.

Nous en sommes à plus de deux mois de manifestations. Et la mobilisation ne faiblit pas...

C'est vrai que c'est une satisfaction de voir les citoyens manifester aussi nombreux. Cela démontre ce qu'on ressent depuis plusieurs mois, avec le contexte d'inflation et les problématiques liées au pouvoir d'achat. La colère n'a cessé de s'accentuer. La réforme des retraites a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Cette colère, elle s'exprime très clairement aujourd'hui. 

La réforme des retraites a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase

À quand remonte la dernière mobilisation de cette ampleur en Aveyron ?

Il y a eu 2009, sous Nicolas Sarkozy. Pareil, c'était contre la réforme des retraites. Mais on n'était pas au même niveau de mobilisation qu'aujourd'hui. Même des mouvements qui ont un caractère historique, comme en 1995 contre la réforme Jupé, ne font pas mieux que ce qu'il se passe actuellement.

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Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui ?

On a vu très clairement une évolution chez les participants aux manifestations. Au départ, la mobilisation du 19 janvier, il y avait une majorité de salariés du public. A partir du 31 janvier, on a commencé à avoir une présence très importante de salariés du privé. 

On a vu très clairement une évolution chez les participants aux manifestations

Par exemple, on trouve dans le cortège beaucoup de salariés de TPE et de PME, qui n'ont pas d'organisation syndicale. Donc c'est un fait un peu nouveau de les voir se joindre à nous. Preuve que cette réforme touche tout le monde, on a aussi des participants en tant que patron : des kinés, des cafetiers, des ostéopathes, des fleuristes, des maçons... Sans oublier les jeunes et les retraités.

On a vraiment tous les profils. Si on compte toutes les personnes en Aveyron qui ont manifesté au moins une fois, on va bien au-delà des 30 000 qui étaient rassemblés à Rodez le 23 mars.

Les manifestations, c'est un peu le haut-parleur de la colère. Mais la grève, c'est autre chose, on perd du salaire pour montrer sa colère

Les manifestations, c'est un peu le haut-parleur de la colère. Mais la grève, c'est encore autre chose, on perd du salaire pour montrer sa colère. C'est vraiment un acte fort. Je suis militant depuis 1998, et c'est la première fois que cette colère est traduite de façon aussi concrète dans la rue.

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Où sont prévues les prochaines manifestations mardi 28 mars ?

  • Rodez : au jardin public à 12 heures
  • Villefranche-de-Rouergue : sur la place de la République à 17 h 30
  • Decazeville : au jardin public à 11 h 30
  • Millau : devant la gare à 12 heures
  • Saint-Affrique : au kiosque à 12 heures


Faut-il que le mouvement continue sur cette lancée ou faut-il le durcir ?

En tant que syndicats, notre rôle, c'est de gagner par la grève. En Aveyron, on est très heureux de l'ampleur de la mobilisation, mais même si on est interpellé par de plus en plus de personnes qui souhaitent justement durcir le mouvement. On le fera avec les outils qui sont les nôtres. 

La tête du pays est tenue par des financiers, alors c'est en tapant dans le porte-monnaie qu'on pourra les faire réagir

Avec la grève reconductible des cheminots et d'Enedis en Aveyron, c'est déjà une forme de durcissement. Il faut bien se rappeler que chaque journée de grève est un sacrifice financier important, et je salue leur détermination.

Sur le plan national, quand on bloque les raffineries ou les ports, c'est ce qu'on appelle, dans notre jargon, "élever le rapport de force". La tête du pays est tenue par des financiers, alors c'est en tapant dans le porte-monnaie qu'on pourra les faire réagir.

Lors des dernières mobilisations, il y a eu une montée en puissance des violences. Cela fait-il du mal au mouvement mené par les syndicats ?

Il y a une colère extrêmement forte et puissante. Et dans le comportement de notre Président, on ressent du mépris systématiquement. À aucun moment il n'est à notre écoute.

Je le dis et je l'assume, nos dirigeants sont des technocrates et des bourgeois qui sont totalement déconnectés du quotidien des Françaises et des Français. Quand il y a un tel mépris, évidemment il y a une envie de durcissement et de révolte. Mais cela n'est pas le rôle des syndicats. 

Ces violences touchent surtout les grandes villes, l'Aveyron est moins concerné. Quand on manifeste à Rodez, c'est bon enfant. Notre rôle est aussi de veiller à ce que les manifestations se déroulent dans les meilleures conditions possibles. Mais on ne peut pas gérer toutes les colères. Quand des manifestants sortent du cortège pour aller causer des troubles, on n'y peut rien.

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Un compromis est-il encore possible avec le gouvernement ?

L'intersyndicale a demandé à être reçue par Emmanuel Macron. C'était avant le vote à l'Assemblée nationale et l'utilisation du 49.3. La demande a été balayée d'un revers. Du point de vue de la CGT, il n'y a plus de compromis possible, ni même de discussions sur tel ou tel point précis concernant la réforme, tant que ce projet qui a été adopté de façon antidémocratique n'est pas retiré.

On ne rentrera pas de sitôt chez nous

Le prochain rendez-vous est mardi 28 mars, et il y en aura d'autres. On ne rentrera pas chez nous de sitôt. Après la manifestation du 31 janvier, des médias avaient l'air de dire que c'était un baroud d'honneur, mais deux mois plus tard on était sur un niveau de mobilisation équivalent. La détermination ne fait que monter en puissance.

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Quand on voit la réaction du gouvernement, on a le sentiment qu'on ne s'était pas trompé sur notre analyse. À savoir que nous sommes beaucoup plus en phase avec la réalité que nos dirigeants.

Le monde du travail a besoin du monde syndical, et on en est extrêmement fiers. Si nous avons manifesté la dernière fois devant la Médecine du Travail, c'était pour montrer à quel point il faut être complètement déconnecté de la réalité pour dire aux gens de partir à 64 ans, un âgé un où on est déjà complètement cassé. Pour avoir travaillé à la SAM, à Viviez, je peux montrer où j'ai mal après toutes ces années. Dans tous les secteurs, c'est la même chose.

Forte hausse des adhésions chez les syndicats

David Gistau : "Depuis le début du mouvement, nous avons gagné 91 adhésions. C'est plus d'une par jour. On n'avait jamais vécu cela, normalement à cette époque de l'année nous en sommes à +30 ou 40 adhésions. C'est considérable même sur le plan national où on est à plus de 15 000 depuis le début des manifestations, alors que sur toute l'année 2022, nous avons connu 40 000 nouvelles adhésions à la CGT. Et je peux que mes homologues des autres syndicats vous diront la même chose.

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